Les conséquences de la crise du Covid-19 sur le personnel hospitalier
L’épidémie de COVID-19 est apparue à la fin de l’année 2019 et a impacté de manière significative toutes les populations. En effet, dû à sa rapide propagation, des mesures de confinement et de couvre-feux ont été prises dans certains des pays les plus touchés par l’épidémie dans le but de freiner le processus de contamination. Selon les chiffres de “Santé Publique France”, il y a eu 147 568 décès en milieu hospitalier depuis le début de cette épidémie. Même si aujourd’hui la situation s’est apaisée, notamment avec la levée des dernières restrictions (port du masque dans les transports en commun), le secteur médical a souffert pendant ces deux dernières années. Effectivement, le personnel hospitalier était en première ligne pour gérer l’afflux des patients ayant contracté une forme grave de la COVID-19. En conséquence, de nombreux infirmiers et personnels soignants ont été confrontés au syndrome d’épuisement professionnel.
Le syndrome d’épuisement professionnel se traduit par un « épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel ».
Suite à ce constat, nous avons souhaité nous pencher sur la gestion du personnel soignant lors de l’épidémie COVID-19 au sein des hôpitaux. Nous avons été curieux de connaître leur façon de travailler et comment ils ont pu “gérer” la crise en interne. Nous avons également eu la volonté de mettre en lumière leur métier, et rendre compte d’un certain courage et mérite après des mois de lutte ininterrompu contre ce virus. Enfin, nous avons voulu leur rendre hommage à travers ces quelques lignes.
Nous allons donc, dans un premier temps, aborder le contexte de cet épuisement professionnel, et les différents facteurs liés cet état, amplifié par la crise du COVID-19. Puis, dans un second temps, nous étudierons les différentes solutions que nous pouvons mettre en place.
Pour réaliser cet article, nous avons rencontré plusieurs infirmiers et cadres du milieu hospitalier afin d’en savoir plus sur leurs expériences. Ils se sont, dans un premier temps, confiés sur l’épuisement professionnel auquel ils ont fait face puis nous les avons interrogés sur les solutions qui ont été mises en place pour les soulager.
Ces chiffres sont inquiétants et remettent en cause le bien-être du personnel hospitalier : “Nous avons dû faire face à un absentéisme sans précédent face à l’épuisement professionnel et le stress générés” selon Thomas, infirmier au service de réanimation de chirurgie cardiovasculaire. Le manque de personnel est l’un des facteurs de stress et d’épuisement les plus importants dans ce secteur. En effet, il est ressorti de nos différentes rencontres avec le personnel soignant que les hôpitaux manquaient de soignants, ce qui entraînait une surcharge de travail pour les autres. Le volume horaire, en pleine crise du Covid-19, était intenable : “63 % des médecins et 47 % du personnel infirmier en France déclarent dépasser le seuil des 40 heures hebdomadaires”.
Il fallait donc trouver des remplaçants afin de soulager le personnel comme le précise Mélanie, infirmière au CHU, au service Réa Médical : “Nous avons eu le soutien de personnes venant d’autres services ou de personnes extérieurs. Par contre, ces personnes là n’étaient pas formées, il fallait donc constamment réexpliquer et on perdait beaucoup en efficacité car le service Réa est un service spécifique avec du matériel complexe. Il m’arrivait de former 3 aides-soignants différents dans la même semaine, c’était très difficile à gérer.”
De plus, au commencement de la crise sanitaire, personne n’était préparé à une situation de cette ampleur. Le port du masque n’était pas obligatoire, personne ne savait comment le virus se transmettait et les protocoles changeaient très régulièrement. L’afflux massif de patients dans les hôpitaux a généré beaucoup de stress et d’anxiété. L’organisation devait être stricte comme le décrit Laurent, chef d’équipe à l’hôpital Sainte-Marie : “on était très vigilants pour que l’épidémie ne se propage pas dans l’hôpital. Les équipes sont testées régulièrement, il y a une prise de température à chaque entrée à l’hôpital, on a des équipements spécifiques. Ça aussi c’est lourd pour les équipes.”
Enfin, Sara, infirmière depuis 1 an, s’est sentie perturbée par le manque de contact avec ses patients. Elle affirme que le relationnel avec les patients a été impacté du fait des équipements considérés comme des freins (surblouse, masque, gants, lunettes charlotte). Les visites étaient moins nombreuses, plus courtes, les patients pouvaient se sentir délaissés voire même isolés. L’aspect relationnel est très important dans ce métier, il a malheureusement dû être mis de côté durant cette période.
En outre, les conséquences de cet épuisement professionnel peuvent être graves autant pour les soignants que pour les patients : le personnel peut commettre des erreurs dans le diagnostic ou de traitement du patient. Tout cela pourrait inévitablement engendrer des effets irréversibles sur le patient et créer une situation de stress et de pression supplémentaire au personnel soignant. Cet état de fatigue et de stress continu peut également aboutir au détachement émotionnel et psychologique du soignant, dégradant ainsi un peu plus la qualité des soins apportés. Et, à long terme, cela pourrait résulter d'un arrêt maladie, engendrant de nouvelles contraintes pour le soignant. Ce cercle vicieux pourrait créer encore plus de sources de fatigue et de stress pour les collègues restés au front. Cet état pourrait donc conduire les soignants à de telles situations de stress et d’épuisement professionnel qu’il en suivrait un burn-out. Sans solution, ni pour le traitement des patients ni pour les conditions de travail des soignants, la situation ne pourra pas s’améliorer et pourrait même s'aggraver.
L’épuisement professionnel, facteur de risque dans le secteur médical
L’évolution des conditions et de l’organisation du travail ont encouragé le stress et l’épuisement, facteurs à risque pouvant porter atteinte à la fois à la santé physique et mentale. Le syndrome d’épuisement professionnel n’est malheureusement pas considéré comme une maladie dans les classifications de références (CIM-10 et DSM-5). Cependant, ce dernier se rapproche fortement d’autres situations comme la souffrance au travail ou encore le stress. La Haute Autorité de Santé explique en ces termes que l’épuisement professionnel est pourtant un problème pris au sérieux : “Après les affections de l’appareil locomoteur, la souffrance psychique causée ou aggravée par le travail est le 2e groupe d’affections d’origine professionnelle décrit dans la population salariée active française.”.
L’épuisement professionnel peut se traduire par différents troubles : une sensation d’étouffement, de l’anxiété, des maux de tête, une tristesse soudaine, une gêne respiratoire, une dévalorisation de soi, et bien plus encore qui peuvent également impliquer l’entourage de l’individu.
Les travaux de Christina Maslach, psychologue américaine spécialisée dans les domaines de l'épuisement et du stress au travail, montre que le travail peut épuiser nos ressources vitales. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte : la charge de travail, le manque d’autonomie, de reconnaissance du travail effectué, le sentiment d’injustice, mais aussi un décalage entre ses valeurs personnelles et celles prônées par l’entreprise.
De plus, certaines professions, si elles se retrouvent sous tensions, sont plus propices que d’autre à subir de l’épuisement professionnel comme le secteur médical ou celui de l’enseignement. En 2021, selon une étude menée par Nuances Communications avec HIMSS (Healthcare Information and Management Systems Society) auprès de plus de 400 médecins et infirmiers, dans 10 pays différents, sur le bien-être et les besoins du personnel soignant, il est indiqué que “près de 7 soignants sur 10 en France sont actuellement en situation d’épuisement professionnel”. De plus, toujours d’après cette étude, “Les médecins et infirmiers français interrogés sont d’ailleurs 67% à indiquer que leur travail leur fait ressentir un épuisement professionnel. 62 % des soignants exerçant en France déclarent que la pandémie de la Covid-19 n’a fait qu’exacerber ce sentiment, soit le pourcentage le plus élevé de tous les pays sondés, les soignants des pays nordiques n’étant que 38 % à partager cette impression, par exemple”.
Ces chiffres sont inquiétants et remettent en cause le bien-être du personnel hospitalier : “Nous avons dû faire face à un absentéisme sans précédent face à l’épuisement professionnel et le stress générés” selon Thomas, infirmier au service de réanimation de chirurgie cardiovasculaire. Le manque de personnel est l’un des facteurs de stress et d’épuisement les plus importants dans ce secteur. En effet, il est ressorti de nos différentes rencontres avec le personnel soignant que les hôpitaux manquaient de soignants, ce qui entraînait une surcharge de travail pour les autres. Le volume horaire, en pleine crise du Covid-19, était intenable : “63 % des médecins et 47 % du personnel infirmier en France déclarent dépasser le seuil des 40 heures hebdomadaires”.
Il fallait donc trouver des remplaçants afin de soulager le personnel comme le précise Mélanie, infirmière au CHU, au service Réa Médical : “Nous avons eu le soutien de personnes venant d’autres services ou de personnes extérieurs. Par contre, ces personnes là n’étaient pas formées, il fallait donc constamment réexpliquer et on perdait beaucoup en efficacité car le service Réa est un service spécifique avec du matériel complexe. Il m’arrivait de former 3 aides-soignants différents dans la même semaine, c’était très difficile à gérer.”
De plus, au commencement de la crise sanitaire, personne n’était préparé à une situation de cette ampleur. Le port du masque n’était pas obligatoire, personne ne savait comment le virus se transmettait et les protocoles changeaient très régulièrement. L’afflux massif de patients dans les hôpitaux a généré beaucoup de stress et d’anxiété. L’organisation devait être stricte comme le décrit Laurent, chef d’équipe à l’hôpital Sainte-Marie : “on était très vigilants pour que l’épidémie ne se propage pas dans l’hôpital. Les équipes sont testées régulièrement, il y a une prise de température à chaque entrée à l’hôpital, on a des équipements spécifiques. Ça aussi c’est lourd pour les équipes.”
Enfin, Sara, infirmière depuis 1 an, s’est sentie perturbée par le manque de contact avec ses patients. Elle affirme que le relationnel avec les patients a été impacté du fait des équipements considérés comme des freins (surblouse, masque, gants, lunettes charlotte). Les visites étaient moins nombreuses, plus courtes, les patients pouvaient se sentir délaissés voire même isolés. L’aspect relationnel est très important dans ce métier, il a malheureusement dû être mis de côté durant cette période.
En outre, les conséquences de cet épuisement professionnel peuvent être graves autant pour les soignants que pour les patients : le personnel peut commettre des erreurs dans le diagnostic ou de traitement du patient. Tout cela pourrait inévitablement engendrer des effets irréversibles sur le patient et créer une situation de stress et de pression supplémentaire au personnel soignant. Cet état de fatigue et de stress continu peut également aboutir au détachement émotionnel et psychologique du soignant, dégradant ainsi un peu plus la qualité des soins apportés. Et, à long terme, cela pourrait résulter d'un arrêt maladie, engendrant de nouvelles contraintes pour le soignant. Ce cercle vicieux pourrait créer encore plus de sources de fatigue et de stress pour les collègues restés au front. Cet état pourrait donc conduire les soignants à de telles situations de stress et d’épuisement professionnel qu’il en suivrait un burn-out. Sans solution, ni pour le traitement des patients ni pour les conditions de travail des soignants, la situation ne pourra pas s’améliorer et pourrait même s'aggraver.
Comment améliorer les conditions de travail des soignants ?
Aujourd’hui, l’embauche d’intérimaires est priorisée pour combler le manque de personnel. Des solutions peuvent aussi être trouvées concernant ce type de fonctionnement. Nous avons pu relever lors de nos enquêtes auprès des professionnels du milieu que de nombreux intérimaires n’étaient pas formés correctement. Ceux-ci sont parfois « parachutés » dans des services spécifiques sans avoir reçu de formations particulières axées sur les postes spéciaux qu’ils se destinent à occuper. Les autres professionnels de santé du service sont alors obligés « d’instruire » ces intérimaires sur le tas, ils perdent beaucoup de temps et d’énergie à réaliser cette tâche. Ce constat est d’autant plus vrai en temps de crise sanitaire : le manque de personnel est exacerbé et le temps disponible pour la formation des intérimaires est alors réduit au strict minimum. Ce cercle vicieux contribue en partie au sentiment d’épuisement professionnel fort ressenti par de nombreux acteurs de la santé publique. Une formation approfondie et de qualité, spécifique au futur poste occupé des intérimaires serait plus que bénéfique et permettrait de diminuer la charge des fonctionnaires hospitalier.
De même, une gestion efficace des plages horaires de travail par les administrations des hôpitaux permettrait de réduire sensiblement la surcharge de travail et l’épuisement que ressent le personnel hospitalier. Une organisation efficace, avec une rotation de la répartition des horaires les plus pénibles entre tous les membres du service ainsi que des temps de repos suffisamment long et organisés permettraient d’améliorer le bien-être du corps médical. De plus, ce sont des solutions faciles à mettre en place qui ne requiert pas d’investissement supplémentaire de la part des instances publiques.
Enfin, dégager un temps de dialogue et d’écoute avec des professionnels formés à cet effet permettrait aussi aux travailleurs du monde hospitalier de mieux évacuer, canaliser ou contrôler les émotions parfois fortes auxquelles ils peuvent être confrontés aux cours de leurs longues journées. Cela pourrait leur permettre de faire une coupure entre le travail et leur vie personnel, ce qui semble être une véritable difficulté aujourd’hui au vu des échanges que nous avons pu avoir avec eux. D’ailleurs, des temps d’échanges et des consultations avec des psychologues ont été mis en place dans certains lieux pendant la crise sanitaire, mais, bien souvent, ces moments étaient placés en dehors des horaires de travail du personnel ce qui ne les incitaient pas à y participer. Pour que ceux-ci soient réellement bénéfiques et que le public visé soit présent, il serait préférable que ces moments d’écoute et de partage soient prévus durant les plages horaires des soignants. Leur état d’épuisement émotionnel et de fatigue affecte largement leur façon de travailler et la qualité des soins apportés, il serait donc préférable qu’un temps soit privilégié pour solutionner ces problèmes de la meilleure manière possible.
Comment améliorer les conditions de travail des soignants ?
Nos recommandations adressées au personnel médical :
Tout d’abord, écoutez vous, vos besoins, vos envies. Les réactions physiques sont souvent un bon indicateur de notre état général.
Ensuite, il faut apprendre à s’arrêter, à ne pas être en flux continu. Si vous êtes en position de management, mettez en place une organisation qui assure des temps de relais, afin que chacun ait un temps (même court) pour se ressourcer.
De plus, utilisez vos priorités comme boussole : prenez le temps de les remettre à plat, de les clarifier avec votre direction et votre équipe.
Enfin, osez dire et osez demander de l’aide : vous n’êtes pas seul. Que ce soit dans votre entourage personnel ou professionnel, vous trouverez toujours quelqu’un qui vous écoutera et partagera les mêmes sentiments que vous.
Pour finir, mettez en avant vos qualités, vos différences et vos spécificités. Favorisez les échanges entre soignants et soignés, l’écoute active, la réassurance, n’hésitez pas à prendre des initiatives pour vous réunir et échanger au sein de votre profession.
Bibliographie
Cousin, S. (2020, 12 novembre). Covid-19 : à Nantes, la bataille pour trouver des soignants.
Mediacités. https://www.mediacites.fr/enquete/nantes/2020/11/12/covid-19-a-nantes-la-bataille-pour-trouver-des-soignants/
Jort, N. L. (2021, 29 novembre). Burn-out au travail : un bilan alourdi par la crise sanitaire. nouvelleviepro.fr. https://www.nouvelleviepro.fr/actualite/1151/burn-out-au-travail-un-bilan-alourdi-par-la-crise-sanitaire#:%7E:text=2%2C55%20millions,professionnel%20(burn%2Dout)
Repérage et prise en charge cliniques du syndrome d’épuisement professionnel ou burnout. (s. d.). Haute Autorité de Santé. https://www.has-sante.fr/jcms/c_2769318/fr/reperage-et-prise-en-charge-cliniques-du-syndrome-d-epuisement-professionnel-ou-burnout#:%7E:text=)%3A431%2D8.-,D%C3%A9finition,sur%20le%20plan%20%C3%A9motionnel%20%C2%BB2%20.
Burn-out dans la santé : 98% des soignants reconnaissent avoir déjà ressenti les symptômes de l' ; épuisement professionnel. (s. d.). DSIH. https://www.dsih.fr/article/4212/burn-out-dans-la-sante-98-des-soignants-reconnaissent-avoir-deja-ressenti-les-symptomes-de-l-epuisement-professionnel.html#:%7E:text=Les%20m%C3%A9decins%20et%20infirmiers%20fran%C3%A7ais,le%20panel%20de%20l’%C3%A9tude.
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Couraud Léonie, Landrieux Isaure, Malpel Sophie, Mazars Oceane, Meftah Hind et Musquer Thomas - Etudiants Groupe ESC Clermont (Classe Master in Management).