
Dans un monde en perpétuelle mutation, où les organisations doivent conjuguer complexité, rapidité d'exécution et quête de sens, les structures rigides héritées du taylorisme peinent à répondre aux enjeux contemporains. Parmi ces rigidités, le cloisonnement en silos fonctionnels demeure l’un des freins majeurs à la coopération transversale, à l’innovation partagée et à l’efficacité collective.
Cette pathologie organisationnelle porte désormais un nom : la silopathie. Elle se traduit par des flux d’information fragmentés, des objectifs non alignés entre les services, une incapacité à mutualiser les compétences, et un affaiblissement du lien entre les individus et la mission globale.
D’après une étude Gallup de 2023, 38 % des salariés considèrent que le manque de coordination interservices ralentit leur travail au quotidien. Dans ce contexte, repenser l’organisation devient une urgence managériale
1. Définition et origine de la silopathie organisationnelle
Définir la silopathie organisationnelle
La silopathie désigne une maladie chronique du fonctionnement organisationnel, dans laquelle les entités, équipes ou directions opèrent en relative autarcie, sans coordination effective ni prise en compte des interdépendances. Chaque silo fonctionne selon ses propres logiques, souvent optimisées localement, au détriment de la performance collective. Ce dysfonctionnement génère plusieurs symptômes récurrents : pertes d'information entre équipes, tâches redondantes, retards de décision dus aux validations multiples, appauvrissement de l'expérience client, et un sentiment croissant d’isolement ou d’inutilité chez les collaborateurs.
Les causes de la silopathie
Les causes de la silopathie sont multiples et souvent imbriquées. Historiquement, les organisations se sont structurées par métiers ou fonctions, avec une logique de spécialisation verticale. Cette structuration initiale peut être renforcée par des réorganisations, fusions ou héritages culturels sectoriels. Les systèmes de pilotage jouent également un rôle majeur : des indicateurs trop centrés sur la performance individuelle des services ou des logiques concurrentielles interdépartementales alimentent le cloisonnement. À cela s’ajoute le cloisonnement technologique : des systèmes d’information non intégrés ou des outils numériques non partagés empêchent une coordination fluide. Les pratiques RH centrées sur les compétences techniques spécifiques, sans sensibilisation à la coopération transverse, contribuent aussi à l’enfermement fonctionnel. Enfin, le style managérial, lorsqu’il privilégie le contrôle vertical au détriment de la coordination horizontale, renforce une autonomie mal articulée, parfois vécue comme un abandon.
La silopathie désigne une maladie chronique du fonctionnement organisationnel, dans laquelle les entités, équipes ou directions opèrent en relative autarcie, sans coordination effective ni prise en compte des interdépendances. Chaque silo fonctionne selon ses propres logiques, souvent optimisées localement, au détriment de la performance collective. Ce dysfonctionnement génère plusieurs symptômes récurrents : pertes d'information entre équipes, tâches redondantes, retards de décision dus aux validations multiples, appauvrissement de l'expérience client, et un sentiment croissant d’isolement ou d’inutilité chez les collaborateurs.
Les causes de la silopathie
Les causes de la silopathie sont multiples et souvent imbriquées. Historiquement, les organisations se sont structurées par métiers ou fonctions, avec une logique de spécialisation verticale. Cette structuration initiale peut être renforcée par des réorganisations, fusions ou héritages culturels sectoriels. Les systèmes de pilotage jouent également un rôle majeur : des indicateurs trop centrés sur la performance individuelle des services ou des logiques concurrentielles interdépartementales alimentent le cloisonnement. À cela s’ajoute le cloisonnement technologique : des systèmes d’information non intégrés ou des outils numériques non partagés empêchent une coordination fluide. Les pratiques RH centrées sur les compétences techniques spécifiques, sans sensibilisation à la coopération transverse, contribuent aussi à l’enfermement fonctionnel. Enfin, le style managérial, lorsqu’il privilégie le contrôle vertical au détriment de la coordination horizontale, renforce une autonomie mal articulée, parfois vécue comme un abandon.
Cadres théoriques mobilisés
Pour comprendre et dépasser la silopathie, plusieurs apports théoriques s’avèrent précieux. La sociologie des organisations, avec Crozier et Friedberg, nous rappelle que les silos sont aussi des zones de pouvoir où chacun maîtrise une part d’incertitude. Niklas Luhmann, dans sa théorie des systèmes, décrit les organisations comme des ensembles de sous-systèmes fonctionnels, dont la régulation repose sur les interactions. Lorsque ces interactions se réduisent, la résilience du système s’effondre.
Peter Senge, dans sa théorie de l’organisation apprenante, insiste sur l’importance de boucles de rétroaction partagées pour favoriser l’apprentissage collectif. La silopathie entrave ces boucles, isolant les apprentissages dans des niches. De son côté, Christophe Dejours montre que le travail ne peut être reconnu que s’il est mis en débat. Le cloisonnement empêche cette reconnaissance mutuelle, source de souffrance éthique.
À l’international, des figures comme Jan Carlzon, Vineet Nayar ou Lars Kolind ont proposé des modèles concrets pour inverser la pyramide managériale, renforcer l’autonomie des équipes en lien direct avec les usagers, et supprimer les barrières structurelles. Enfin, les approches inspirées de la sociocratie introduisent des mécanismes de redevabilités croisées entre cercles, avec des rôles clairement définis et une mission globale partagée.
Mise en place d’un programme de désilotage
Pour transformer une organisation silotée, il ne suffit pas de déclarer l’intention d’ouvrir les murs : il faut engager un processus structuré, participatif et incarné par la gouvernance. Un programme de désilotage efficace commence souvent par un diagnostic co-construit, à travers un atelier d’une demi-journée animé selon les principes du design thinking et de la facilitation. Celui-ci comporte plusieurs séquences :
Un icebreaker pour explorer les liens existants ou absents entre les participants ; une cartographie collective des flux réels d’information et de décision ; un partage d’histoires vécues illustrant les effets du cloisonnement ; une auto-évaluation de la transversalité ; une mise en binômes client-fournisseur internes pour expliciter les attentes croisées ; un brainstorming pour faire émerger les redevabilités mutuelles à renforcer ; et enfin, une sélection de petits pas concrets à mettre en œuvre dans le mois suivant.
Cette dynamique engage les équipes dans une lecture systémique de leur organisation, tout en rendant visible la valeur ajoutée des coopérations transverses.
À l’opposé de la silopathie, l’organisation ouverte se caractérise par sa capacité à fluidifier les échanges, à valoriser les interdépendances et à créer des alliances opérationnelles entre les services. Elle ne supprime pas les spécialisations, mais les articule autour d’une finalité partagée. Elle s’appuie sur des rôles de connecteurs interservices, des contrats de service internes explicites, une définition commune de la mission globale, et des revues régulières des engagements croisés. Les indicateurs de performance ne sont plus uniquement fonctionnels, mais incluent des mesures de coopération, de satisfaction client interne et de co-production.
Cette approche suppose aussi un investissement dans la formation à la coopération, la reconnaissance des contributions collectives, et la légitimation des fonctions transverses dans la gouvernance institutionnelle.
Le cas de Yan Carzon , PDG de SAS Airline Suède)
Jan Carlzon a révolutionné la compagnie aérienne SAS dans les années 1980 en affirmant que « chaque collaborateur est un moment de vérité pour le client ». En inversant la pyramide managériale, il a donné de l’autonomie aux équipes en première ligne, tout en responsabilisant les niveaux intermédiaires sur leur capacité à soutenir l’action et la décision au plus proche du terrain. Il a supprimé les silos fonctionnels pour construire une logique de service fluide, préfigurant les approches modernes d’organisation orientée usager, de design de services et de leadership d’appui.
Conclusion
La silopathie n’est pas une fatalité. Elle peut être identifiée, débattue et transformée à travers des démarches structurées, participatives et incarnées. Le design thinking, la facilitation et la sociocratie offrent des méthodes concrètes pour réinterroger la structure, relier les acteurs et refonder les modalités de coopération au sein des organisations. La métaphore du pont peut alors remplacer celle de la forteresse. Comme le rappelle Paul Valéry : « Ce qui est simple est faux, ce qui ne l’est pas est inutilisable. » — Encore faut-il savoir ensemble où mettre la complexité et où créer de la simplicité utile.
Bibliographie et Sitographie
Bibliographie:
• Crozier, M. & Friedberg, E. (1977). *L’acteur et le système*. Seuil.
• Dejours, C. (2000). *Travail, usure mentale*. Bayard.
• Greenleaf, R. K. (1977). *Servant Leadership*. Paulist Press.
• Kolind, L. (2006). *The Second Cycle: Winning the War Against Bureaucracy*. Wharton School Publishing.
• Luhmann, N. (1995). *Social Systems*. Stanford University Press.
• Nayar, V. (2010). *Employees First, Customers Second: Turning Conventional Management Upside Down*. Harvard Business Review Press.
• Senge, P. (1990). *The Fifth Discipline: The Art and Practice of the Learning Organization*. Doubleday.
• Valéry, P. (1942). *Regards sur le monde actuel*. Gallimard.
• Zobrist, J.-F. (2012). *La belle histoire de Favi*. Lattès.
• Carlzon, J. (1987). *Moments of Truth*. Harper Business.
Sitographie:
• Académie du Service – https://www.academie-du-service.com
• Institut Français de la Sociocratie – https://www.sociocratie-france.fr
• Buurtzorg International – https://www.buurtzorg.com
• Management par processus (Processus Performance Conseil) – https://www.processus-performance.com
• Harvard Business Review – https://hbr.org
• Le Lab RH – https://www.lab-rh.com
• Entreprise Libérée (Jean-François Zobrist) – https://www.entrepriseliberee.com
• Revue Cadres – https://www.revue-cadres.com
Témoignage : Le désilotage d'une équipe animée par Jacques Fuchs
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