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Les 4 Temps du Management - Réinventer le Management
Un webzine pour explorer en profondeur les innovations managériales...
Les 4 Temps du Management

Le Temps des Equipes et des Projets

2.57 Devenir une équipe responsabilisée selon Tuckman et quelques autres


2.57 Devenir une équipe responsabilisée selon Tuckman et quelques autres
L'innovation managériale se caractérise au moins par deux éléments : 
1°) Le passage d'un modèle d'autorité hiérarchique prescriptif à un modèle participatif délibératif
2°) L'émergence d' une  dynamique plus collaborative dans les équipes. 
 
Le modèle de Tuckman est, de ce point de vue,  bien pratique pour qualifier le degré de synergie d'un collectif de travail. Il n'est pas récent puisqu'il est apparu dans les années 1965...mais les innovations managériales l'ont fait resurgir comme celui du management situationnel d'Hersay et Blanchard qui est apparu à la même périoode. C'est d'ailleurs assez étonnant de voir comment ces vieux artéfacts semblent reprendre une nouvelle jeunesse avec la vague d'innovation managériale du moment. 

Concrètement Tuckman distingue dans la vie d'une équipe 5 étapes: Formation, tension, normalisation, performance et dissolution
 
1°) La phase de formation de l'équipe

La phase de formation se caractérise par une mise en relation progressive des acteurs entre eux qui restent cependant à une certaine distance les uns des autres. Il y a, à ce stade, peu de coopération et finalement une confiance mutuelle assez limitée. Chacun s'observe, des alliances se créent, des évitements aussi. On s'apprivoise en tentant de mesurer jusqu'où peut aller la confiance dans l'autre. Il n'y a pas généralement de tension, chacun jouant avec prudence sa carte. Les collaborateurs restent généralement encore très dépendants des consignes du manager. 

Dans cette phase , les théories de Schutz  sont particulièrement intéressantes, Elles donnent une marche à suivre. Dans son livre"l'Elément Humain (1967)" qu'il a publé dans les années 60 (!), il recommande de travailler sur 3 dimensions  susceptibles d'être créatrices de confiance  entre les acteurs : L'inclusion, l'influence, l'ouverture (Nous préférons cette traduction à celle que le lecteur averti pourra parfois rencontrer dans la littérature anglo- saxonne à savoir : Inclusion, controle, affection) 
  •  L'inclusion peut se définir comme le sentiment d'avoir de l'importance pour les autres membres du groupe, d'être reconnu comme un membre à part entière par lui. 
  • L'influence renvoie à l'idée d'avoir une action sur autrui. Il ne s'agit pas de le contrôler au sens où nous l'entendons dans la langue française mais d'avoir un impact sur les  perceptions et décisions de ceux qui nous entourent
  • L'ouverture  doit être entendue comme la capacité à s'exprimer plus ou moins sincèrement. On retrouve évidemment un lien fort avec la question de la confiance; 
Schutz avait d'ailleurs conçu un test pour permettre à chacun de se situer sur ces 3 dimensions. Il ne faut pas le considérer comme un test de la personalité car il parle en réalité du fonctionnement de l'organisation: Voir Le test de positionnement de l'Element Humain sur ces 3 dimensions  

Le terme de "Faux Self"  proposé le psychiatre Ronald Laing (Le moi divisé, 1960)  illustre assez bien le fonctionnement du groupe à ce stade. Le "faux self" est la capacité d'un individu à se dissmuler en faisant preuve d'une suradaptation aux contraintes sociales qui lui sont imposées. Il a une fonction essentiellement de protection du "vrai self". Mais dans la mesure où chacun se dissimule dans le groupe, le lien entre les personnes est forcément faible. 

Comprendre le modèle de Tûckman


2°)  L'émergence des tensions (Storming). 

Confrontée à l'implacable réalité, la fragillité des liens vont peu à peu se révéler. Les travaux de Kaês (2007) sont  ici bien utile pour comprendre cette phase particulièrement délicate de la constitution d'un groupe. Il s'agit de la construction en effet d'un appareil psychique groupal qui passe par la formation d'un lien intersubjectif d'une certaine intensité. 

Kaës (2007:105) en donne une définition particulièrement intéressante l: 
  1. Il n'y a pas seulement collection d'individus, mais groupe avec des phénomènes spécifiques, lorsque s'est opérée entre les individus constituant un groupe une construction psychique commune et partagée. L'appareil psychique groupal est le moyen de cette construction et il est le résultat d'un certain arrangements combinatoires des psychés; 
  2. L'appareil psychique groupal accomplit un travail spécifique: il lie assemble, accorde entre elles et conflictualise des parts de la psyché indivdiuelle mobilisées pour construire le groupe; 
  3. L'appareil psychique groupal n'est pas l'extrapolation de l'appareil psychique individuel, il est une structure indépendante des psychés qu'il assemble selon ses lois propres. Les processus qui gouvernent la réalité psychique commune et partagées sont tributaires d'une logique différente de celle qui gouverne le l'individu; 
  4. C'est un tel appareillage qui constitue lan réalité psyhcique de et dans le groupe. Celle - ci s'organise s'organise selon des modalités où le commun et le "partagé" prévelent sur le "privé" et le "différent"; 
  5. L'appareil psychique individuel se forme pour une part dans cet appareillage, il en procède et s'y transforme, il s'en différencie et dans certraines conditions, il acquiert son autonomie propre; 

3°) La phase de normalisation

Pour sortir de cette phase dite de turbulence (Storming) qui se caractérise souvent par l'apparition de conflits et de rivalités, et accéder à une phase dite de normalisation, Shannon Byrne de Trello   rappelle aux managers l'importance de travailler sur la construction d'un cadre (Framework) pour favoriser la cohésion des équipes. Sa proposition n'est pas sans lien avec celle que nous présentons dans notre séminaire Management responsabilisant et leadership sous le terme d'Enveloppe Culturelle Minimale Partagée (ECMP).

Pour elle, la cohésion d'une équipe doit passer par  7 actes de management qui auront pour fonction de créer "un objet commun":   Le but d'un "team building est de précisément se mettre d'accord au moins sur des 7 points clés 
  1. comprendre les enjeux et les objectifs stratégiques de l'entreprise
  2. Clarifier la mission de l'équipe en lien avec ces obejctifs  
  3. Définir collectivement des priorités d'action (soit à partir du modèle de Sinek, soit à partir des "Clients" cibles internes ou externes de l'équipe)
  4. Définir des indicateurs (intelligents) pour mesurer les progrès
  5. Décider collectivement qui fait quoi en clarifiant les rôles et les fonctions
  6.  Réaliser un entretien individuel et une réunion hebdomadaire collective 
  7. Mettre en place des réunions mensuelles collectives centrées sur le suivi des performances 
  8. Afficher des tableaux de bord visuel s permettant de visualiser les avancées de l'action collective
     
Les lecteurs pourront hélas constater que malgré cette simplicité, ce cadre minimaliste est rarement mis en place dans les équipes...sauf dans les entreprises qui  sont conscientes que la performance ne relève plus de l'habilité plus ou moins grande d'un chef mais d'une réelle dynamique collective. 

La phase de normalisation consiste à emmener l'équipe à une vraie compréhension des enjeux de l'entreprise et définir finalement collectivement un projet commun, voire un imaginaire commun au vrai sens du terme, c'est à dire mobilisant à la fois la rationalité des sujets et leurs motivations intrinsèques. 

Jean - René Fourtou (1985:49) explique clairement l'impact d'un projet sur la dynamique de groupe. En proposant une finalité à atteindre il permet de rassembler "les mille et uns fils de la réalité; des milliers de clients, des centaines de fournisseurs et d'employés, des dizaines d'actionnaires et de créanciers qui forment le graphe complet de l'entreprise".

C'est à travers la compréhension et mieux encore d'un "pour quoi" que le groupe va pouvoir se fédérer et passer d'individualités juxtaposées à un  Nous" collectif.  En rassemblant, il génère ce que JRF appelle "La sociogénèse". 

Mais cette normalisation ne peut pas relever de la seule sphère cognitive: "Le projet doit donc perdre en rationalité et descendre dans les zones, plus voilées, plus viscérales, plus violentes, pour tout dire plus thermocucléaires et atteindre des espaces où l'énergie se crée" (1985:57. Le projet est en effet un effort vers une fin qui n'est pas encore la. Cela nécessite de persister durablement pour le réaliser. C'est donc un exercice de volonté qui ne peut venir que des couches les plus profondes de la personalité.  Un projet n'est donc pas seulement un but à atteindre c'est aussi un élan à maintenir sur la durée. 

4°) La phase de performing 

Le verbe  "Performing" en anglais signifie "accomplir" . Nous ne sommes plus ici dans la phase de conception du projet  mais sa mise en oeuvre concrète avec la volonté ferme  d'atteindre  un résultat.  Pour y parvenir, il faut une intention forte car il n'est pas facile de produire quelque chose, là où il n'y avait rien. On passe de l'essence à l'existence pour faire l'Histoire" (Sarte,1945). 

La notion de "Performing"  renvoie à la notion "d'éxécution". Les objectifs ont été définis collectivement, chacun connait bien son rôle, des instances de délibération sont régulièrement mises en place pour faire le point sur l'avancée des objectifs. Il peut y avoir des tensions mais elles sont gérées par l'équipe elle même qui fonctionne en grande autonomie par rapport au leader. L'équipe est devenue un cerveau collectif qui affronte avec intelligence et courage les défis auxquels elle a choisi de se confronter. 

5°) La phase de dissolution (Adjourning) 

Bruce Tuckman a affiné sa théorie vers 1975 et ajouté une cinquième étape au modèle Forming Storming Norming Performing - il l'a appelé "Adjourning" qui renvoie à la  "dissolution" du groupe.  L'ajournement est sans doute plus un complément au modèle original en quatre étapes plutôt qu'une extension. La phase d'ajournement est certainement très pertinente pour les personnes du groupe et leur bien-être, mais pas pour la tâche principale de gestion et de développement d'une équipe, qui est clairement au cœur des quatre étapes initiales.

À ce stade, il est important de clore le groupe sur une note positive. Les membres du groupe peuvent ressentir un sentiment de perte et leur motivation peut diminuer lorsque le travail du groupe prend fin. Certains observateurs ont même appelé cela le stade de deuil du groupe. Pour faciliter cette transition, un exercice de rétrospective assez profond peut être mis en oeuvre en insistant à la fois sur les succès obtenus et les compétences qui ont été mises en oeuvre face aux difficultés. A ce stade,  les membres du groupe peuvent également ressentir une certaine incertitude ou insécurité quant à l'avenir. Cela s'exprime parfois sous la forme d'un maiaise ou de tensions. Les managers doivent être attentifs aux signes qui indiquent l'angoisse de la séparation et ne pas les négliger pour préparer les acteurs à une résilience rapide. 

Du Manager autoritaire au manager délibératif

2.57 Devenir une équipe responsabilisée selon Tuckman et quelques autres

Tannenbaum et Schmidt   ont établi une corrélation entre les différentes étapes de la vie d'un groupe et la manière d'exercer l'autorité. Ces auteurs américains n'avaient sans doute pas lu Winnicott mais leur modèle pourrait directement se superposer sur les théories du psychanalyste iinitiateur et promoteur de l'analyse transitionnelle.  

Ils ont indentifie 7 manières d'exercer l'auitorité, chacune d'entre elles correspondant à un niveau de maturité de l'équipe

  1. Le manager décide et annonce la décision
  2. Le manager décide et “vend” la décision au groupe
  3. Le manager présente la décision avec des idées générales et invite à la réflexion
  4. Le manager suggère une décision et invite à la réflexion
  5. Le manager présente la situation, écoute les suggestions et décide
  6. Le manager présente la situation, défini les contraintes et demande à l'équipe de décider
  7. Le manager permet à l'équipe d’identifier le problème, développer les options, décider de la solution. Le manager est informé des contraintes par l'équipe.
     
En croisant ces 7 formes avec les 7 niveaux de maturité, on obtient le modèle présenté dans le schéma. 

A travers cette dynamique qui s'inscrit dans un continuum, on passe d'une autorité disciplinaire à une autorité participative, voire démocratique. Au départ, le manager est au centre; peu à peu, il se retire, libérant ainsi un espace que Winnicott qualifierait "d'espace potentiel" que d'autres définissent comme "Zone d'autonomie et de responsabilité".  Il est important que le manager soit équipé de ces concepts pour comprendre le chemin à accomplir avec l'équipe dans une démarche, notamment de responsabilisation. En libérant l'espace potentiel, c'est la puissance du collaborateur qui peu à peu se manifester. C'est le sens même de la démarche d'empowerment. 

La relation managériale doit se comprendre comme une interaction qui comprend l'un et l'autre simultanément. C'est ce qu'on appelle une dyade car les deux protagonistes sont inséparables.  C'est un concept bien pratique pour étudier des relations interpersonnelles dans un contexte défini. Concrètement cela signifie que le comportement de l'un interagit sur l'autre et réciproquement. 

La manière dont le manager occupe son rôle est la conséquence de son histoire et du dégré de maturité des personnes qu'il accompagne. Hersay et Blanchard dans leur fameuse théorie du  management situationnel avait déjà attiré notre attention sur ce point en invitant les managers à jouer le jeu de la relation en fonction du degré de maturité des collaborateurs. Cependant il partait du postulat que c'était le manager qui gardait le privilège de l'autorité et d'une certaine façon il restait encore le personnage central alors que dans les formes alternatives de management, icelui est invité  progressivement à prendre de la distance. Ce déplacement dans l'imaginaire groupal est la condition de l'émancipation des collaborateurs. Cela demande évidemment une véritable intelligence sociale. 

Cependant ce renoncement à garder l'exclusivité de l'autorité ne peut se faire aussi rapidement que cela. La principale raison est que les collaborateurs sont institués par le contrat de travail dans une relation de subordination. Cette situation les mets par définition dans une relation de dépendance par rapport à l'autorité. Ce problème peut être renforcé par la manière dont le manager lui même occupe la position d'autorité. Il y a donc un double travail à faire pour que les chaînes psycho-sociales aliénantes puissent être dépassées.

Pour le manager cela passe par un renoncement à occuper la position de toute puissance du père archaïque des premiers temps et pour les collaborateurs à se donner simultanément des droits. Pour se dégager des relatons trasférentielles institués, il faut opérer une démarche progressive de désinstutionnalisation pour réinstitutionnaliser la relation sur des bases plus partagées. C'est ce que réussit très bien par exemple, le management responsabilisant qui propose de commencer ce travail de libération en redifinissant collectivement par exemple le rôle du manager et des équipiers à travers l'exercice d'identification des domaines dits réservés du manager

2.57 Devenir une équipe responsabilisée selon Tuckman et quelques autres
Le schema ci dessous illsutre bien le déplacement symbolique qui s'opère dans l'imaginaire groupal. Au départ, le manager est totalement intégré au groupe, tout repose sur lui. Il est au centre. Puis, peu à peu il recule pour se retrouver dans l'étape ultime hors du groupe.  

A travers cette distance progressive qui s'installe, c'est bien une manière différente d'occuper "l'espace social" ou pour être plus précis "l'espace du pouvoir" qui s'opère. Le groupe sort de sa dépendance régressive pour accéder à une plus grande  autonomie dans les décisions et les actions.  Cette transformation n'est pas sans questionner la nature même de la relation qui est instituée par le contrat de travail qui reste paradoxalement liée au lien de subordination. Bata avait semble t - il résolu le problème en mettant en place sur les conseils du syndicaliste Hyacinthe Dubreuil des équipes totalement autonome y compris sur le plan de la gestion des ateliers puisque chaque atelier était censé fonctionner comme une entreprise indépendante avec un système de facture lié aux temps de travail et au volume de production réalisée.  La sociologue Daniele Lindhart  va encore plus loin en proposant un code du travail sans subordination, ce qui aurait le mérite de sortir de cette ambiguïté. Il viendra certainement un temps où ce sujet sera interrogé ...

Qu'est ce qu'une équipe responsabilisée ? L'exemple de Michelin


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