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Les 4 Temps du Management - Réinventer le Management
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Les 4 Temps du Management

Le Temps des Equipes et des Projets

2.31 Clarifier régulièrement les priorités dans les structures matricielles complexes mal régulées


L'ambiguité des structures matricielles rendent la vie quotidienne des collaborateurs impossible

Les organisations matricielles ont été conçues pour positionner au centre de l'organisation les opérationnels qui créent de la valeur pour le client. Tous les fonctionnels sont censés être au service de ces derniers. Mais cette logique très cohérente sur le plan théorique s'avère beaucoup plus ambigüe dans la réalité. On constate très régulièrement plusieurs paradoxes :
1°) Les relations clients-fournisseurs, qui sont censées définir les interactions entre les opérationnels et les fonctionnels, restent encore largement marquées par le modèle hiérarchique qui existait dans le modèle pyramidal. L'intitulé même des fonctions confirme cette ambigüité. Les fonctionnels sont encore très souvent présentés dans l'organigramme avec le titre de directeur, ce qui les amènent à privilégier leur identité de hiérarchique au détriment d'une conception plus servicielle de leur rôle. Le terme de " responsable " conviendrait mieux.
2°) Chaque direction opérationnelle a tendance à fonctionner de façon " insulaire " avec les autres directions, ce qui conduit chaque responsable à faire des demandes non concertées, conduisant les acteurs à recevoir un déluge d'injonctions.
3°) De nombreux projets se rajoutent aux objectifs structurants habituels sans qu'il y ait souvent une réelle évaluation des charges de travail liées aux uns et aux autres.
4°) Tout en étant confronté à ces paradoxes, les opérationnels doivent assumer le traitement quotidien des demandes clients en veillant soigneusement à ce que ces derniers ne puissent percevoir ces dysfonctionnements.

L'abscence de régulation dans les structures matricielles mal régulées est vécue comme une violence par les collaborateurs

La plupart du temps, les managers N+1, totalement absorbés par leurs propres enjeux, semblent " inconscients " de la violence qu'ils exercent sur leurs collaborateurs. En exigeant toujours plus, plus vite et souvent sur un mode peu participatif de répondre à toutes ces sollicitations, ils les placent dans l'impossible. Quand un collaborateur a de plus de choses à faire que de ressource temps disponible, il cherchera davantage à se mettre en conformité pour éviter les ennuis qu'à accomplir avec sérieux son travail. Dans cet univers, Il sera emmené à dissimuler, en s'efforçant de faire illusion en produisant une réponse acceptable sur le plan des règles imposées. Peu à peu, la qualité des produits ou des services, dont on peut penser qu'elle dépend davantage de l'implication et de la passion des acteurs que du seul respect des normes, pourra s'en trouver affaiblie entrainant insidieusement l'entreprise dans la spirale du déclin.

Face à ces demandes " insensées ", donc " insignifiantes ", le collaborateur aura le sentiment que son travail n'a plus de son sens. Il risque alors d'être confronté à une double peine : ne pas pouvoir répondre à la demande et/ou perdre son honneur en produisant une réponse douteuse sur le plan des règles du métier. Dans les deux cas, il vivra cela comme un échec et une humiliation. Si les acteurs sont confrontés de façon trop prolongée à ces situations paradoxales, ils peuvent soit se désengager, se rebeller ou devenir fou... Est-ce la meilleure façon de gérer les hommes quand on prétend rechercher la performance durable ?

Les managers impliqués dans de telles organisations sont eux-mêmes en péril. Leurs premiers clients sont souvent les pouvoirs qui les dirigent. Face à ces derniers, ils doivent rendre des comptes et montrer que les objectifs ont été atteints. Ils ne seront pas écoutés sur les difficultés qu'ils ont rencontrées mais sur les résultats qu'ils ont auront obtenus. Ils sont payés pour cela et rien que pour cela. Jamais ne sera pris en compte dans leur évaluation, la façon dont ils auront œuvrés comme si la souffrance ressentie par les individus n'avait pas d'intérêt. Il a fallu près de plus de 30 suicides pour que cette dimension soit désormais prise en compte chez France Télécom à l'initiative de son nouveau PDG ?

Celle-ci n'a certes aucun intérêt sur le plan du profit immédiat, mais elle a un sens. Si la souffrance perdure, c'est que nous sommes en effet dans la mauvaise direction. Le structuralisme théorisé par Levy Strauss et Lacan nous ont montré que les faits ne se limitent pas à eux-mêmes. Ils sont des " signifiants " qui parlent autant de l'individu que du système dans lequel il est impliqué. Cela suppose que nous remettions deux paradigmes : le paradigme masochiste et le paradigme individualiste. Nous nous retrouvons une fois de plus confrontés à un véritable déficit de connaissances anthropologiques. On peut se demander une fois de plus comment manager les hommes sans celle-ci ?

La remise en question des deux paradigmes qui empoisonnent le management : Le masochisme et et la conception " individualiste " du comportement des acteurs

Deux convictions collectives encore très prégnantes sous tendent la notion de performance. Dans l'occident chrétien, celle ci est fortement associée à la notion d'effort comme si le résultat dépendait de la quantité d'énergie dépensée. Weber d'abord, puis plus tard le sociologue Emmanuel Todd dans son livre " l'illusion économique " ont montré que cette conception n'était pas sans lien avec la doctrine du salut de la religion catholique. Pour la religion catholique en effet, le salut ne peut venir seulement de Dieu qui a envoyé son fils sur la terre pour effacer les péchés du monde. Si Dieu fait une partie du travail, les Hommes doivent compléter cette " grâce " qui leur est faite par un effort personnel. Pour être sauvé, le chrétien relevant du catholicisme romain doit non seulement compter sur la foi mais aussi sur les " œuvres méritoires ". Ainsi, Pour obtenir le salut éternel, il faut non seulement accomplir de bonnes œuvres mais il faut aussi faire pénitence durant cette existence. Après la mort, il n'a pas fini pour autant ; il doit séjourner au purgatoire pour se purifier totalement de ses péchés.

Pour les protestants, les œuvres et la pénitence ne prennent pas la même place. Le Christ a expié pour tous les hommes et les a déjà sauvés. C'est la foi en ce sacrifice qui leur permet de devenir des justes et de commencer le processus de sanctification qui se prolongera tout au long de leur existence. Les bonnes œuvres ne sont pas un moyen mais une fin. C'est parce qu'ils sont sauvés et donc " justifiés " qu'ils accomplissent des œuvres bonnes et non l'inverse. Dieu nous sauve, " non à cause des œuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde, par le baptême de la régénération et le renouvellement du Saint-Esprit, qu’il a répandu sur nous avec abondance par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions, en espérance, héritiers de la vie éternelle " (Tite 3:5-7). Par ailleurs, après la mort, les protestants croient qu’ils ont immédiatement accès à Dieu sans passer par le purgatoire (2 Corinthiens 5:6-10 et Philippiens 1:23).

Un troisième élément différencie les deux religions : c'est celle de l'autorité du pape. Les catholiques considèrent que le Pape comme le représentant de Dieu sur la terre. En cette qualité, il a le pouvoir de parler " ex cathedra " des questions relatives à la foi et à sa pratique, tandis que les protestants que l'autorité apostolique ne peut représenter Dieu car aucun humain n'est infaillible. Seul le Christ est le chef de l'Eglise. L'accès à Dieu est direct tandis que les catholiques estiment qu'il est nécessaire de passer par la hiérarchie apostolique. Selon la bible, Dieu a envoyé l'Esprit Saint à tous les hommes. Ils sont donc potentiellement capables de comprendre le message de Dieu, s'ils ont la foi. Tandis que le Catholicisme enseigne que seule l'Eglise Catholique a l'autorité et le pouvoir d'interpréter la Bible, le Protestantisme reconnaît la doctrine biblique du sacerdoce de tous les croyants, et affirme que chaque chrétien peut s'appuyer sur le Saint-Esprit afin d'être conduit dans la lecture et l'interprétation de la Bible. Cela apparaît clairement dans des passages tels que Jean 14:16-17 : " Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur, afin qu’il demeure éternellement avec vous, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point ; mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous." - Voir également (Jean 14:26 et 1 Jean 2:27) - Cette conception de l'autorité religieuse n'est pas sans intérêt pour comprendre pourquoi les pays marqués par la religion protestante ont une conception moins hiérarchique des relations d'autorité dans l'entreprise. Ceci se trouve vérifié dans les faits. Les organigrammes des pays d'Europe du nord sont beaucoup plus aplatis que dans les pays d'Europe du Sud. Le site Gotquestions.org explore clairement la distinction entre les deux doctrines.

Cette analyse rapide des doctrines du salut peut paraitre très éloignée de la question des comportements des acteurs dans les organisations. Pour Emmanuel Todd et Weber, au contraire, ce sont les clés qui permettent d’expliquer les croyances implicites qui inspirent leur action. Dans la religion catholique, le salut est le résultat d’un effort. On comprend que la réussite ne peut relever que de la même dynamique. Dynamique qu'il est facile de qualifier de masochiste. Dans ce mode, le salut comme le succès se mérite. Il ne peut être que le résultat d'un effort intense, donc d'une souffrance.

La conception individualiste considère que les sujets existent de façon autonome par rapport aux systèmes. Elle est encore très répandue dans les organisations. Dans ce modèle, la performance ne serait que la conséquence des efforts des individus. La notion de système est un concept qui parait très abstrait donc peu convaincant. On comprend pourquoi l'approche systémique ait suscité finalement si peu d'intérêt pour les managers. En effet s'ils ont la conviction que la performance ne dépend que de l'engagement des individus, à quoi bon perdre son temps à interroger la pertinence du système. Pourtant, c'est une fois de plus sur ce registre que nous nous nous proposons d'insister.


Comment développer la capacité des collectifs de travail à se fixer des priorités ?

Une organisation matricielle mal régulée génère comme on l'a vu, une inflation de demandes surgissant de tous les cotés, submergeant les possibilités réelles de traitement des acteurs. Ceux-ci sont alors sur sollicités par les différents responsables hiérarchiques qui ne sont pas toujours d'ailleurs leurs seuls interlocuteurs mais aussi tous ceux qui occupent des fonctions de responsabilités : managers de projets ou responsables de programmes, etc...

Deux techniques peuvent ici être mobilisées pour atténuer ce problème :
1°) La mise en place d'un système de réunions de niveau visant à clarifier chaque semaines les priorités collectives.
2°) L’optimisation des relations clients fournisseurs internes.

Optimiser la communication dans une organisation matricielle complexe non régulée ne coûte pas cher. Il suffit de définir 2 types d'instances de réunion :
- Les réunions de niveau 1 qui peuvent réunir les N+1 et faire le tour des activités et des projets en définissant des niveaux de priorité. Ces niveaux seront ensuite redescendus dans les équipes opérationnelles. Le tri hebdomadaire des priorités des responsables est un outil très performant.
- Les réunions de niveaux 2 sont moins fréquentes. Elles peuvent être mensuelles. Elles servent à faire l'analyse de l'avancées des objectifs et ou des projets que le comité s'est fixé pour l'année ou la période comment étant prioritaires.

Les N+1 ont souvent l'habitude de fonctionner en ilots séparés les uns des autres. Le travail d'amélioration des relations clients fournisseurs consiste à faire échanger les principaux responsables sur ce qu'ils attendent les uns des autres en termes de qualité de service en se limitant à un ou deux points de progrès par couple client - fournisseur.

Ces techniques simples ont donné d'excellents résultats dans de nombreuses organisations confrontées à ce qu'on peut appeler des conflits de priorités. Elles peuvent se compléter par une formation à la gestion de son temps et de ses priorités qui permettra à chaque collaborateur de consolider ses propres processus de prioritisation.

Bibliographie




Groupe ESC Clermont Business School
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