1. Les organisations en devenir permanent
Les organisations ne sont pas indépendantes des environnements dans lesquels elles sont impliquées, des technologies qui les traversent et des hommes qui les animent. On parle à ce sujet de contingence. Elles sont susceptibles de subir de modifications substantielles lorsqu'un des trois facteurs est amené à changer. Pour les acteurs, cela se traduit au quotidien par des transformations significatives de leur identité. Leurs rôles, fonctions missions sont en constante transformation. Les organisations ne sont désormais des entités stables, elles sont en mutation et en métamorphose permanentes.
Dans des articles précédents, nous avons rappelé que les organisations avaient, d'un point de vue psychosociologique, au moins trois fonctions :
- Pour Eugène Enriquez, elles ont une fonction de " contenant ". Elles permettent de contenir les angoisses archaïques des acteurs qui déposent en elles " les parties indifférenciées et non déliées de leur Moi) " (Bleger) ;
- Sainsaulieu nous rappelle qu'elles permettent de construire des identités. Elles fonctionnent comme des miroirs où chacun peut se construire une image de soi ;
- On peut aussi les considérer avec Freud comme des espaces de sublimation).
Dans les univers dérégulés que nous traversons, la constance de ces changements organisationnels permanents n'est évidemment pas sans conséquences sur les 3 fonctions que nous venons d'évoquer.
Les angoisses des acteurs n'étant aussi bien contenues que dans les modèles tayloriens, les identités deviennent incertaines. Les organisations étant moins structurantes, une plus grande initiative est laissée aux acteurs. Cela s'accompagne d'une plus grande autonomie d'action mais le revers de la médaille, c'est que cela crée des espaces non définies dont l'imaginaire des acteurs va s'emparer. Les sujets vont, alors, pouvoir laisser libre cours à leur désir en quelque sorte délié des contraintes institutionnelles. Ces interstices vont devenir des zones grises désinstitutionnalisés qui vont se remplir de fantasmes.
Ce déficit des conteneurs se traduira concrètement pour les acteurs par des confusions de rôles. Les identités n'étant plus régulées par un " tiers ", elles vont plus ou moins se mélanger, s'empiétant les unes sur les autres suscitant un risque de psychotisation des relations. On ne sait plus qui fait quoi ; parfois, celui qui agit peut même le faire à la place d'un autre. La conduite des acteurs n'est plus alors guidée par la rationalité mais par l'imaginaire aliénant archaïque.
Cette situation est vécue par les acteurs comme particulièrement anxiogène parce que c'est l'ordre symbolique de l'organisation qui est mis en péril. Avant cette mésaventure, c'était la rationalité qui semblait faire loi (ou du moins pouvait on le croire...). Avec l'irruption de l'imaginaire aliénant, c'est peut-être, le désir à l'état pulsionnel qui pourrait l'emporter. Ces processus sont particulièrement inquiétants pour les collaborateurs parce que simultanément ils sapent ce qui constitue la confiance et interrogent la logique de don toujours présente dans une communauté puisque selon Mauss, ces éléments sont à la source de la possibilité de l'alliance.
Dans des articles précédents, nous avons rappelé que les organisations avaient, d'un point de vue psychosociologique, au moins trois fonctions :
- Pour Eugène Enriquez, elles ont une fonction de " contenant ". Elles permettent de contenir les angoisses archaïques des acteurs qui déposent en elles " les parties indifférenciées et non déliées de leur Moi) " (Bleger) ;
- Sainsaulieu nous rappelle qu'elles permettent de construire des identités. Elles fonctionnent comme des miroirs où chacun peut se construire une image de soi ;
- On peut aussi les considérer avec Freud comme des espaces de sublimation).
Dans les univers dérégulés que nous traversons, la constance de ces changements organisationnels permanents n'est évidemment pas sans conséquences sur les 3 fonctions que nous venons d'évoquer.
Les angoisses des acteurs n'étant aussi bien contenues que dans les modèles tayloriens, les identités deviennent incertaines. Les organisations étant moins structurantes, une plus grande initiative est laissée aux acteurs. Cela s'accompagne d'une plus grande autonomie d'action mais le revers de la médaille, c'est que cela crée des espaces non définies dont l'imaginaire des acteurs va s'emparer. Les sujets vont, alors, pouvoir laisser libre cours à leur désir en quelque sorte délié des contraintes institutionnelles. Ces interstices vont devenir des zones grises désinstitutionnalisés qui vont se remplir de fantasmes.
Ce déficit des conteneurs se traduira concrètement pour les acteurs par des confusions de rôles. Les identités n'étant plus régulées par un " tiers ", elles vont plus ou moins se mélanger, s'empiétant les unes sur les autres suscitant un risque de psychotisation des relations. On ne sait plus qui fait quoi ; parfois, celui qui agit peut même le faire à la place d'un autre. La conduite des acteurs n'est plus alors guidée par la rationalité mais par l'imaginaire aliénant archaïque.
Cette situation est vécue par les acteurs comme particulièrement anxiogène parce que c'est l'ordre symbolique de l'organisation qui est mis en péril. Avant cette mésaventure, c'était la rationalité qui semblait faire loi (ou du moins pouvait on le croire...). Avec l'irruption de l'imaginaire aliénant, c'est peut-être, le désir à l'état pulsionnel qui pourrait l'emporter. Ces processus sont particulièrement inquiétants pour les collaborateurs parce que simultanément ils sapent ce qui constitue la confiance et interrogent la logique de don toujours présente dans une communauté puisque selon Mauss, ces éléments sont à la source de la possibilité de l'alliance.
2. Les procédures ne suffisent pas pour (re)définir les identités des acteurs
Les managers ont bien compris l'importance de clarifier les identités des collaborateurs, mais la plupart du temps ils se limitent a une approche procédurale. Ils pensent qu'il suffit au mieux de décrire par écrit les fonctions pour que les identités se clarifient. Les démarches qualité, il est vrai, les confirment dans cette perception. Pourtant l'expérience prouve que cet exercice est largement insuffisant. Il ne permet en réalité que de se mettre en conformité de façon formelle avec des référentiels normatifs imposés. Cela se traduit par de magnifiques et volumineux documents qui n'ont pas pour autant l'efficacité attendue. 2 causes au moins peuvent expliquer cette difficulté :
- Les procédures reposent souvent sur une conception statique de l'organisation. Il ne s'agit que d'une photographie de l'organisation à un instant T. Les organisations évoluant en permanence, les descriptions faites sont très vite obsolètes. Par ailleurs, leur formalisation demande beaucoup de temps. On peut s'interroger sur le rapport temps investi / efficacité.
- Réduite à elle-même, la procédure ne permet pas la construction des représentations. La description, même très exhaustive, ne peut à elle seule permettre à un acteur d'avoir une compréhension suffisante des attentes de rôles que l'organisation peut avoir légitimement envers lui.
- Les procédures reposent souvent sur une conception statique de l'organisation. Il ne s'agit que d'une photographie de l'organisation à un instant T. Les organisations évoluant en permanence, les descriptions faites sont très vite obsolètes. Par ailleurs, leur formalisation demande beaucoup de temps. On peut s'interroger sur le rapport temps investi / efficacité.
- Réduite à elle-même, la procédure ne permet pas la construction des représentations. La description, même très exhaustive, ne peut à elle seule permettre à un acteur d'avoir une compréhension suffisante des attentes de rôles que l'organisation peut avoir légitimement envers lui.
3. La dialogue managérial : une nécessité pour la construction cognitive des représentations
Nous avons déjà vu avec Hegel et Lacan que l'image de soi ne pouvait s'opérer qu'en miroir dans le regard de l'Autre. " La conscience de soi n'existe en effet que par le fait qu'elle existe pour un autre que soi " rappelle Hegel. Jean Foucart, sociologue transactionnaliste, confirme ce point de vue en expliquant que le lien social est le résultat de compromis tacites entre les acteurs. On comprend alors qu'il semble difficile de se passer de la Parole. La construction des représentations résulte donc avant tout d'un acte relationnel. Les identités ne peuvent se définir par simple décret. Elles sont le résultat d'une négociation entre des acteurs, qui doivent passer entre eux des accords : ce n'est donc pas un processus qui peut se déléguer.
Les managers ne sont pas toujours conscients de l'importance de cet investissement. Beaucoup pensent qu'il est possible d'en faire l'économie, sans s'apercevoir des conséquences que cette nonchalance peut avoir sur les conteneurs de la subjectivité de leurs collaborateurs. Ils méconnaissent aussi sans doute l'importance de la fonction d'étayage sur la performance des acteurs. Un collaborateur qui n'est ni contenu ni étayé doit en effet compenser par un travail psychologique personnel ce déficit. Tous n'ont pas toujours les ressources pour pouvoir le faire.
Il existe sans doute plusieurs explications pour comprendre cette " inconscience " :
- La plupart des managers ont souvent une formation technique et privilégient une approche mécanique des problèmes. Pour eux, un chat est un chat. Une procédure est un acte en soi qui devrait suffire. En attribuant à la procédure un pouvoir quasi magique, il la transforme en fétiche.
- Ils ont également le sentiment que cette activité prend du temps, temps qui pourrait être consacré a d'autres taches qui leur apparaissent comme plus urgentes.
Ces deux facteurs peuvent sans doute expliquer la réduction de cet exercice à la rédaction d'un document qui peut être déléguée à un tiers. Cependant, il s'agit bien de répondre à un besoin vital de l'organisation et des individus. Sans la reconnaissance de celui-ci et cet effort permanent de clarification partagée, la fonction structurante est défaillante et les acteurs s'installent dans une confusion où l'imaginaire aliénant prendra peu à peu le pas sur la rationalité.
Les managers ne sont pas toujours conscients de l'importance de cet investissement. Beaucoup pensent qu'il est possible d'en faire l'économie, sans s'apercevoir des conséquences que cette nonchalance peut avoir sur les conteneurs de la subjectivité de leurs collaborateurs. Ils méconnaissent aussi sans doute l'importance de la fonction d'étayage sur la performance des acteurs. Un collaborateur qui n'est ni contenu ni étayé doit en effet compenser par un travail psychologique personnel ce déficit. Tous n'ont pas toujours les ressources pour pouvoir le faire.
Il existe sans doute plusieurs explications pour comprendre cette " inconscience " :
- La plupart des managers ont souvent une formation technique et privilégient une approche mécanique des problèmes. Pour eux, un chat est un chat. Une procédure est un acte en soi qui devrait suffire. En attribuant à la procédure un pouvoir quasi magique, il la transforme en fétiche.
- Ils ont également le sentiment que cette activité prend du temps, temps qui pourrait être consacré a d'autres taches qui leur apparaissent comme plus urgentes.
Ces deux facteurs peuvent sans doute expliquer la réduction de cet exercice à la rédaction d'un document qui peut être déléguée à un tiers. Cependant, il s'agit bien de répondre à un besoin vital de l'organisation et des individus. Sans la reconnaissance de celui-ci et cet effort permanent de clarification partagée, la fonction structurante est défaillante et les acteurs s'installent dans une confusion où l'imaginaire aliénant prendra peu à peu le pas sur la rationalité.
4. Des outils simples de clarification des identités à revisiter régulièrement
A travers cette réflexion, il apparaît que les procédures ont une utilité si et seulement si on les considère comme des objets de médiation. Pour que celles-ci puissent véritablement fonctionner comme " des opérateurs symboliques structurants " (Nifle), les supports utilisés doivent présenter au moins deux caractéristiques :
- Ils doivent être simples : la forme ne devrait pas l’emporter sur le fond. La relation a plus d'importance que ce qui s'écrit.
- Ils doivent être régulièrement revisités car l'organisation est en constante transformation.
D'un point de vue pratique, nous suggérons aux lecteurs avertis de s'inspirer de 3 outils simples dont nous avons régulièrement constaté l'efficacité :
- 1. La définition de fonction met en évidence à l'aide d'un histogramme, la répartition idéale ou attendue des principales activités liées à la mission ;
- 2. Le tableau d'évolution des principales activités de la fonction :
- 3. La matrice de définition des responsabilités très utile dans les processus et les projets.
Ces 3 outils sont accessibles en cliquant sur ce lien (réservé à nos abonnés). Les outils 1 et 3 ont déjà été présentés dans des articles précédents. Le tableau d'évolution des activités mérite une présentation plus spécifique. Il permet d'analyser sur la durée les transformations du contenu même des activités liées à la mission.
[TABLE,largeur:560,bordure:#0033CC] ; Activité 1 ; Activité 2 ; Activité 3; Activité 3; Activité 4; Activité 5; Activité 6 Période 1 :; % ; % ; % ; % ; % ; % ; % Période 2 :; % ; % ; % ; % ; % ; % ; % Période 3 :; % ; % ; % ; % ; % ; % ; % Période 4 :; % ; % ; % ; % ; % ; % ; % Sur la période 1, on indique le pourcentage de temps qu'occupe l'activité sur l'ensemble du temps de travail et ainsi de suite pour chaque période. Contrairement à ce que beaucoup pourraient penser, il n'est pas nécessaire de chronométrer le temps réel. Il s'agit plutôt de recueillir le % de temps ressenti. On peut ensuite dans un second temps susciter une discussion entre les différents collaborateurs pour réajuster les identités.
- Ils doivent être simples : la forme ne devrait pas l’emporter sur le fond. La relation a plus d'importance que ce qui s'écrit.
- Ils doivent être régulièrement revisités car l'organisation est en constante transformation.
D'un point de vue pratique, nous suggérons aux lecteurs avertis de s'inspirer de 3 outils simples dont nous avons régulièrement constaté l'efficacité :
- 1. La définition de fonction met en évidence à l'aide d'un histogramme, la répartition idéale ou attendue des principales activités liées à la mission ;
- 2. Le tableau d'évolution des principales activités de la fonction :
- 3. La matrice de définition des responsabilités très utile dans les processus et les projets.
Ces 3 outils sont accessibles en cliquant sur ce lien (réservé à nos abonnés). Les outils 1 et 3 ont déjà été présentés dans des articles précédents. Le tableau d'évolution des activités mérite une présentation plus spécifique. Il permet d'analyser sur la durée les transformations du contenu même des activités liées à la mission.
Conclusion
On assiste aujourd'hui à une véritable inflation des procédures comme si elles avaient à elles seules le pouvoir de tout clarifier. En réalité elles ne sont qu'un support pour négocier les identités. Elles sont donc avant tout le résultat d'un compromis social entre deux acteurs qui ne peut s'opérer sans délibération.