2.29 Méthodes d'Invention et de Découverte (8/9)

Plutôt que de rendre compte des nuances de manière littéraire, le circept envisage ainsi une représentation graphique et circulaire des différentes tensions ou " images " contenues dans un terme ou un concept.

Qu'évoque le mot " canne " ? Une dissertation sur le sujet laisserait sans doute apparaître les différentes acceptions du terme au sens propre : canne blanche, canne - béquille, canne en bois, canne pour personnes handicapées ou âgées mais aussi des homonymes (la ville de Cannes, la cane et ses canetons, ...), des évocations positives ou négatives, des jeux de mots (Canada, Canebière, canette de bière, ...). Le circept permet de rendre compte de la variété de ces perceptions et associations d'idées en structurant les axes correspondants.

Le brainstorming, évoqué dans le chapitre précédent, recourt au processus d'association d'idées. Conçue à l'origine pour une animation en groupe, la méthode consiste en effet à laisser les participants émettre des idées (sans interruption ni censure) par rebondissements successifs. La démarche peut être adaptée pour une réflexion individuelle : la personne exprime et/ou note les idées qui lui viennent spontanément pour résoudre un problème ou améliorer un objet.

L'association forcée est une technique apparentée avec l'analogie fantastique de Gordon et Prince. Elle consiste à chercher des points communs, des correspondances ou des évocations à partir du rapprochement de deux univers qui n'ont a priori aucun rapport. Que peut-on faire avec une porte et un carnaval, avec une enclume et de la lessive, alors que l'on cherche le scénario d'un film ou un nouveau procédé de collecte des déchets ??? A priori, rien. Pour des sujets entraînés, c'est la recherche d'analogies cachées, l'emprunt de détours irrationnels, la formulation d'idées apparemment naïves ou incongrues qui permettent pourtant de faire émerger quelques idées neuves et utiles.

Quel est le point commun entre un tapis et un oeuf ? A la fin des années 50, Alastair Pilkington est ingénieur dans une usine de fabrique de verre. Les pièces de grande surface sont fabriqués sur des tapis roulants semblables aux laminoirs d'aciéries. Malheureusement, la répartition du poids sur le tapis n'est pas toujours homogène pendant la fabrication et les vitrines obtenues ont des défauts visibles. En faisant cuire des oeufs au plat, puis en faisant la vaisselle, Pilkington observe des tâches d'huile qui flottent à la surface de l'eau. C'est l'illumination : à son retour dans l'usine, il expérimente un système de tapis flottant qui remplace élimine ainsi l'essentiel des distorsions. Le verre est coulé sur une surface d'étain fondu maintenu dans une atmosphère particulière. La technique du " verre flotté " était née.

Le rêve (oniros en grec) est la métaphore la plus commune pour décrire les procédés inconscients qui se produisent pendant la phase d'incubation. Un adage nous indique d'ailleurs que " la nuit porte conseil " : après une période d'éloignement, de distraction, ou de sommeil le problème se "dépose" et se repose... sous un nouveau jour nouveau et peut déboucher sur des solutions. Par définition, les rêve mobilisent des ressources individuelles et inconscientes. Au réveil, ils sont en général oubliés ou restitués sous une forme tellement brute et (apparemment) illogique qu'un travail est nécessaire pour leur donner du sens.

Les démarches oniriques visent essentiellement à libérer l'imagination des contraintes rationnelles et sociales. La production débridée de rapprochements, de scénarios, d'images, d'idées floues ou étranges facilite la phase de divergence. Il est ensuite nécessaire de procéder à un travail de décodage ou de transformation pour produire des idées opérationnelles.

L'identification) est un procédé à la fois analogique et onirique. Il consiste, pour le chercheur, à se placer " dans la peau " du problème qu'il doit traiter. Dans un premier temps, le chercheur devient le problème. Il décrit ce qu'il ressent (pour lui-même ou pour un interlocuteur qui le questionne), s'immerge dans le monde fantastique de l'objet qu'il étudie, envisage différemment ses propriétés, imagine ce que cet objet pense, dit, espère, redoute (etc) ou fait dans telle circonstance.

Gordon propose l'exemple suivant pour expliquer le bien fondé de l'analogie personnelle - L'analogie personnelle est le quatrième volet de la classification " synectique " proposée par Gordon et Prince -. Un club de ball-trap regroupe un grand nombre d'adhérents qui viennent s'entraîner régulièrement au tir à la carabine. Des cibles en argile sont projetées dans le ciel pour exercer l'adresse des tireurs. Les voisins de ce club finissent par se plaindre devant l'abondance des soucoupes brisées qui retombent dans leur jardin. Une séance de synectique est organisée pour trouver des solutions à ce désagrément. Différentes pistes sont imaginées : déménager le club, indemniser les voisins,... Un participant " devient " une soucoupe. Il raconte ce qu'il ressent : " je vole, je sens le vent s'engouffrer (...), je tourbillonne, (...), j'atterris dans un jardin. Je me sens bien. Je suis couché sur la terre, près d'une feuille de salade très confortable. Je me sens un peu perdu dans ce grand décor. Je cligne des yeux. Le soleil me réchauffe... ". Questionné délicatement par un coéquipier, notre " participant-soucoupe " décrit de plus en plus précisément ses sensations. A la relecture de ce témoignage, une proposition concrète est formulée : les cibles peuvent être fabriquées en glaçons colorés. Elles disparaîtront naturellement dans le décor en fondant sous les rayons du soleil.

La relaxation est un moyen d'accéder à un état mental particulier, à mi-chemin entre l'éveil et le sommeil. L'étude scientifique des états seconds (médiation, sommeil) à partir d'électroencéphalographes a en effet mis en évidence l'existence d'une phase dite hypnagogique qui précède généralement la période de sommeil profond. Elle se manifeste par une sensation d'engourdissement chez le sujet et l'apparition d'images étranges. Elle coïncide aussi avec l'observation d'ondes " thêta " (d'une fréquence de 4 à 7 cycles par secondes) sur l'appareil de mesure relié aux électrodes placées sur le cuir chevelu. Cette phase serait particulièrement productive et tout aussi fugitive.

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