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Les 4 Temps du Management - Réinventer le Management
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Les 4 Temps du Management

Futurologie

L’industrie du ski va t’elle survivre au changement climatique ?

Coralie DUMAS - Ludivine CULPIN - Anthony DE BRITO ABRANTES - Alban DELECOURT - Léa NOEL - Naomi DOLLFUS

Si les stations de ski ont pu se développer et avoir un succès tout au long des années, c’est parce que le prix de l’électricité et du pétrole était moins élevé, mais aussi que la température était adéquate. Les législations liées à la construction de structures dans ces stations, comme les chalets ou les remontées mécaniques, étaient beaucoup plus souples.
A l’heure où inflation et climat sont au cœur de notre société, l’industrie du ski va t’elle survivre au changement climatique ?


Zoom sur les problèmes auxquels le secteur du ski doit faire face

Le changement climatique

Le climat est fragile. La neige est de moins en moins présente et se montre sur des laps de temps bien plus courts qu’auparavant. De fait, cela empêche certaines stations d’ouvrir. C’est le cas de la station de Camurac, en Occitanie, qui a ouvert ses portes moins de 25 jours par an durant 3 saisons les 10 dernières années. Cette absence de neige s’explique par le changement climatique. Il fait de plus en plus chaud, empêchant la neige de faire son apparition. En effet, Météo-France prévoit une hausse de 1 à 1,4 degré de la température d’ici 2040, et jusqu’à 3,5 d’ici 2080. Une hausse d’environ 2 degrés peut faire perdre jusqu’à un mois d’enneigement en moyenne montagne. (Source des données chiffrées : Luc STELLY, directeur de l’Office du Tourisme du Sancy)  
Des changements imprévisibles 
Le problème du climat est d’autant plus important qu’il est instable. Il est donc difficile de se projeter. C’est en réalité là le plus grand problème des stations de ski : les aléas météo, qui sont d’actualité et que les stations de ski subissent régulièrement, contrairement au changement climatique qui est plus un problème sur le long terme.
 
Un développement économique impacté

Ce changement impact même le matériel des stations de ski, puisque les enneigeurs, par exemple, fonctionnent quand il fait froid. L’usage des enneigeurs n’arrangent d’ailleurs pas les stations de ski : cela a un véritable coût. Il leur serait largement préférable que la neige tombe du ciel. 
Puisqu’il y a moins de neige, le ski devient moins vendeur. Puisque la neige est moins fréquente, les touristes deviennent moins réguliers, donnant lieu à un déséquilibre de l’économie des stations de ski. À contrario, les dépenses sont de plus en plus élevées, au même titre que la température. On relève entre autres le coût des canons à neige, en augmentation perpétuelle, puisque de plus en plus de neige artificielle est nécessaire pour combler le manque. En outre, il est estimé qu’il faut à peu près 3 séjours d’une semaine pour être autonome sur ses skis. Les touristes venant moins régulièrement et sur des plus courts séjours, les skieurs se font moins nombreux au fur et à mesure des générations.  
Cela impacte le marché de l’emploi : comment conserver les emplois des stations ? Les stations rencontrent également des difficultés à embaucher étant donné qu’elles ont un besoin rapide en fonction des aléas météo, cela nécessite de recruter des personnes moins expérimentées et donc un plus grand accompagnement.
Plusieurs d’entre elles ont d’ores et déjà fermées, comme celles de Puyvaldor ou Puygmal dans les Pyrénées Orientales. D’autres se maintiennent, mais jusqu’à quand ? Et à quel prix ? 
Même si les stations à haute altitude sont moins touchées et parviennent à avoir de la neige naturelle plus facilement, elles commencent également à l’être avec de la neige plus tardive ou des phénomènes de vent très fort. Il est urgent de trouver des solutions pour répondre à ces problèmes. 

Quelles solutions pour les stations de ski ?

Un maintien du ski

 Luc STELLY nous partage certaines solutions. Tout d’abord, le Sancy propose des pistes de plus en plus ludiques dans le but d’utiliser moins d’espace. Par ludique, on entend des animations, des jeux. Les enfants vont donc apprécier la piste et y revenir régulièrement. Ainsi, il y aura moins de matières premières utilisées puisque moins d’espace.
Il est nécessaire d’être en mesure de proposer du ski, puisque c’est l’essence du moteur économique d’une station. « Si on n’a pas de ski, on ne pourra pas travailler sur une transition ». Avant, le Sancy avait 100% de domaine skiable enneigé naturellement. Désormais, la station s’assure une activité skiable en enneigeant artificiellement 60 à 70% du domaine en seulement 3 à 4 jours. Il reste bien entendu les problèmes environnementaux liés à ces enneigeurs, mais la station en est bien consciente. 
Dans ce même but, le Sancy sécurise sa zone des grands débutants, l’équivalent d’un terrain de foot, en réalisant de la neige par température positive, un frigo congélateur qui génère de la neige pillée. Son usage reste limité en vu de l’investissement et de l’impact environnemental. « Aujourd’hui, personne ne sait le faire avec une source d’énergie qui soit respectueuse de l’environnement. »

Pourquoi prioriser cette zone des grands débutants ? Parce qu’elle est principalement dédiée aux enfants qui veulent s’initier au ski, et qu’une grande partie des clients sont des parents qui veulent que leurs enfants apprennent. C’est d’ailleurs d’une pierre deux coups, puisque cela tend à résoudre un problème évoqué plus haut : la perte de skieurs générationnelle. 
 
Une transition progressive 

Cette sécurisation du ski permet le développement économique nécessaire à une transition progressive. « Si on se disait « demain matin on arrête le ski et on transforme nos stations, on n’a pas les moyens de le faire » ». D’autant plus que l’hiver, 2500 personnes travaillent au Sancy sur une population de 9000 habitants : ces personnes doivent donc être prises en compte. C’est d’ailleurs pour cela que Super-Besse s’est diversifiée à l’origine, comme l’affirme Vincent GATIGNOL, chef d’exploitation de la station de Super-Besse : « Au départ, c’était pour garder nos saisonniers, parce que si on leur propose que 4 mois dans l’année, ils partent. Donc on se retrouve avec des gens qui ne connaissent pas le métier. Un métier qui est particulier ». 
Cette transition s’illustre de plusieurs façons. On note tout d’abord la tyrolienne géante, à Super-Besse, comme le présente Vincent GATIGNOL. Elle représente 7 emplois et de 16 000 passages à l’année soit plus du double du prévisionnel. C’est donc un réel succès, qui peut fonctionner avec ou sans neige. 
 
Toujours à Super Besse, on retrouve Extrême aventure, qui se compose de tyroliennes, luge souterraine, sauts dans le vide... Un loueur de ski de fond et de raquette en hiver du Sancy s’est transformé en prestataire d’accrobranche au Mont-Dore. Aujourd’hui, il est capable de changer d’activité en 24h en fonction du climat. D’autres loueurs de ski proposent désormais de la location de VTT. Par ailleurs, on relève l’enclos de Tibou, qui a été inventé à Super-Besse, qui a pour principe de jouer sur la neige et qui maintenant a été développé dans pleins d’autres stations. « Il y a 30 ans, personne n’aurait fait ça, tout le monde aurait investi sur des pistes de ski et des remontées mécaniques », remarque Luc STELLY.
 
Vincent GATIGNOL évoque, en outre, « le réaménagement du lac de Super-Besse, avec de la planche à voile, la refonte de toute la partie piscine avec le bien-être, sauna, hammam, des toboggans nautiques » : 20% du chiffre d’affaires de Super-Besse s’effectue hors neige. Cela représente un des chiffres les plus élevés de France, bien qu’insuffisant pour se maintenir.  
Luc STELLY indique une question qui se pose régulièrement et qui n’avait pas lieu avant : « dès que l’on fait quelque chose pour le ski, qu’est-ce qu’on en fait quand il n’y a pas de neige ? ». Même si la transition est en marche, il l’affirme : « on n’a pas encore trouvé la recette magique pour avoir quelque chose qui est aussi fort économiquement que le ski ».Mais il reste optimiste : « cela fait 10 ans qu’on parle de transition, et cela fait 10 ans que chaque année, on trouve une nouvelle solution. On est passé de 1% d’activité hors neige à 20% ». 
Le Sancy a de nombreux partenaires qui proposent des activités sans neige en été. Elle travaille donc à les amener à proposer ces mêmes choses aussi l’hiver. Vincent GATIGNOL illustre bien cette transition : « Vous pouvez venir chez nous, vous ferez un petit peu de ski. Et puis on aura pleins d’autres choses à vous proposer en attendant que la neige tombe ».
Le Sancy possède 2 avantages : le premier, avoir pris conscience plus tôt du changement climatique et donc avancé sur la transition plus en amont que certains concurrents. Le second, sa partie été, qui est un marché réel au Sancy. Le transfert des activités de l’été en hiver est ainsi facilité, alors qu’ailleurs il faut les créer. 
« On ne peut pas être juste en défensif en se disant « comment on fait pour continuer 100% le ski ». D’autant plus que l’environnement social est de plus en plus impliqué : certains élus ne veulent pas investir dans un nouveau télésiège s’il ne sert pas pour plusieurs choses, des citoyens sont contres des extensions importantes… 
Cette transition est d’ailleurs nécessaire pour pouvoir investir auprès des banques : « il faut lui montrer que l’économie ne tient pas que sur le ski, et que peut-être que cette remontée mécanique va servir pour faire de la randonnée, de la tyrolienne, du VTT… ».
Pour Luc STELLY, une station de ski peut être viable sur le long terme, à condition de se restructurer en jouant sur le relief. « la vraie spécificité de la montagne c’est le fait d’avoir des systèmes pour monter et pour descendre ».
 
Une réactivité à toute épreuve

La station doit également être très réactive : « En décembre 2020, je n’avais jamais vu ça dans le Sancy, on a eu en 48 heures 2m50 de neige et cette neige on l’a gardé jusqu’à la fin de saison. Notre saison s’est jouée sur ça ». Pour Luc STELLY, « le maître mot, c’est s’adapter ». Pour ce faire, il faut une réelle coordination, une communication et une volonté. 
 
Un engagement écologique

Les stations doivent faire en sorte de diminuer leur bilan carbone, développer des dameuses à hydrogène, de l’électricité d’origine renouvelable... D’une part, cela leur permettra de limiter le changement climatique. D’autre part, nous avons vu que les skieurs sont de moins en moins nombreux au fur et à mesure des générations. Les jeunes générations étant globalement plus soucieuse de l’environnement, cela sera un moyen de les attirer. Par exemple, au Sancy, la chaleur utilisée pour créer de la neige artificielle est récupérée pour réchauffer les bâtiments. « On prend en compte l’aspect environnemental, on ne fait pas tout ce qu’on veut en se disant « on verra bien ce qu’il se passe » », affirme Luc STELLY.
 
Miser sur une expérience client 
La station propose, l’hiver, non pas de venir au ski mais à la montagne, c’est là toute la différence : « manger une truffade le soir, au coin du feu du restaurant de l’hôtel, avec un vin chaud, ça fait partie de l’imaginaire des gens, comme aller faire une randonnée raquette nocturne, d’aller caresser les chiens de traineau ou d’aller faire du bien-être ». Faire vivre une expérience aux clients, à la montagne, c’est ce que le Sancy propose aux touristes.  
Cela concorde avec ce qu’affirme GALLINO et SALVADOR (2015) : il faut repenser les stratégies de fidélisation et de conquête. Il est important pour le skieur de vivre une « expérience », et l’expérience « unique » se vit lorsque le touriste est acteur : il doit ressentir de l’émotion. C’est d’autant plus important que Vincent GATIGNOL affirme que « le clermontois, notre clientèle de proximité, est extrêmement exigeante. Les locaux savent de quoi on est capables ». 

 



Le futur des stations de ski

Vers une clientèle plus haut de gamme ?

Le Sancy voit une évolution de sa clientèle. Tout en gardant sa clientèle d’origine, elle est allée chercher des clients de la classe moyenne supérieure qui part plus souvent en vacances et en particulier au ski. Pour Luc STELLY, il est logique que si la neige devient plus rare, faire du ski deviendra un produit haut de gamme. H. François et E. Marcelpoil (2009) le confirment : les stations de ski sont de plus en plus fréquentées par une population « élitiste », et cause donc une augmentation du prix de l’immobilier dortoir. D’ailleurs, les saisonniers ne peuvent plus vivre dans les stations et sont contraints de s’installer dans les fonds de vallée. 
 
Vers une diminution du ski ?

Parmi les solutions envisagées pour le futur, le Sancy projette de s’inspirer de la station les Gets, en Haute-Savoie qui a réalisé des spectacles nocturnes, sans doute avec des systèmes où la prise de télésiège est nécessaire pour y accéder. On resterait dans le jeu avec le relief, tout en faisant payer le télésiège au touriste. La fin du tout-ski semble en tout cas évidente. 

Une survie possible ? Nos préconisations

Une transition nécessaire

Plus qu’une diversification, les stations de ski peuvent survivre à condition qu’elles passent par une transition. Elles ne doivent pas dépendre de la neige. Sans cela, à moins d’un autre bouleversement climatique ou d’une trouvaille exceptionnelle pour créer de la neige sans impacter l’environnement, il semble compliqué pour l’industrie du ski de survivre au changement climatique. 
 
Une connaissance de son environnement

Il est également important de connaître les solutions mises en place par les stations concurrentes et les différentes études scientifiques. Comme l’indique Vincent Vlès (2021), certaines stations de ski restent dans le déni, résistent et refusent la transition, pourtant nécessaire. On cite le sommet des pistes du domaine de Valmeinier, en Savoie. Celui-ci a installé un nouveau télésiège, passant ainsi de 2 500 à 2 750 mètres. Il a pour but de relier Valmeinier aux stations de Val Fréjus et de Valloire dans les prochaines années, en installant un Club Med à cette dernière. Cependant, ces types d’extensions ont un impact important sur l’environnement puisqu’elles modifient des terrains vierges de montagne. Elles usent aussi un grand nombre de ressources naturelles, comme l’eau.
 
Miser sur l’expérience
Selon nous, transformer la station de ski en un format parc familial serait une solution à ces 3 points. Il y aurait des tarifs variés en fonction des moyens et de l’envie de la clientèle. Nous pensons que la neige ne doit pas être l’activité principale des stations de ski mais la plus-value pour se distinguer des autres parcs d’attractions. En effet, les parcs de ski utiliseraient l’environnement existant pour proposer des activités à moindre impact sur l’environnement, qu’il neige ou non, comme des spectacles en lien avec l’univers de la montagne ou une mini-ferme avec des animaux de la montagne. La partie ski serait ouverte que lorsqu’il neigerait, comblée par le reste des activités. 
Nous pensons également qu’il faudrait ouvrir une partie plus haut de gamme avec des prestations supérieures proposant par exemple des soins de la peau avec de la glace, des bains de glace, des smoothies glacés, des restaurants avec des produits issus de la glace… Cette partie haut de gamme serait sur une partie du terrain existant.  

Les contributions économiques, sociales et environnementales de nos préconisations

Les apports économiques

Cela créerait de l’économie, puisque cela attirerait des clients, même d’ailleurs. De plus, les investissements seraient rentables sur le long terme puisque la station serait viable même sans neige. Cela permettrait de s’avancer vers la transition, de s’adapter aux attentes de la société. Cette adaptation contribue à la notoriété de la station : d’une part, cela influencerait positivement son image, ce qui est vendeur et impacte donc le chiffre d’affaires de la station. D’autre part, plus la station est la première à se transformer, plus elle aura de chance de prospérer puisque les autres stations suivront. En outre, cela permettrait à la station de ne pas se retrouver en difficulté si des lois strictes se mettent en place vis-à-vis de la neige. 
 
Les apports sociaux

Cela limiterait l’élitisme et donnerait l’accès aux plus modestes à travers des courts séjours tels que des forfaits demi-journée, tout en satisfaisant les plus aisés en proposant des prestations supérieures et des longs séjours. De plus, cela donnerait lieu à une expérience unique : être en communion avec la nature, s’en imprégner visuellement, créer un retour en enfance, un moment de détente, de ressource, adulte comme enfant. 
 
Les apports écologiques
C’est une alternative plus écologique, avec des activités plus vertes. L’usage des ressources premières serait réduit car il y aurait moins besoin d’enneigeurs, puisque la partie ski serait ouverte que lorsqu’il y aurait de la neige. Cela permettrait dans un même temps de sensibiliser la clientèle à son environnement. 

Les limites de nos propositions

C’est un projet long terme, qui doit se développer au fur et à mesure et non drastiquement. Cela nécessite une vraie structuration, un investissement conséquent au départ. Il va falloir une très bonne communication pour en montrer les qualités, mais aussi convaincre ceux qui étaient adeptes des stations tout-ski.  
Adaptabilité, innovation et résilience devront être au rendez-vous, surtout lorsque l’on remarque l’augmentation des vents de sable, qui causent une surface de moins bonne qualité et jaunissent la neige… 

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