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Les 4 Temps du Management - Réinventer le Management
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Les 4 Temps du Management

Le Temps de la Strategie

3.29 Steve Jobs : Hommage à un entrepreneur schumpétérien (1955 - 2011)


1. L'histoire d'un auto-didacte tourmenté

Steve Jobs est né le 24 février 1955 en Californie. Sa mère naturelle, mademoiselle Schieble, est étudiante à l’université du Wisconsin aux Etats Unis. Elle a eu un enfant avec son professeur de sciences politique Abdulfattah Jandali. Mais il y a un problème : le père de Schieble ne veut pas entendre parler de mariage avec un père syrien. Aussi est-elle dans la nécessité de trouver des parents adoptifs ; finalement, Paul Jobs et son épouse Clara acceptent de l'adopter. Steve trouvera chez eux un amour inconditionnel qui le soutiendra tout au long de sa vie.

Steve est un garçon turbulent. A deux reprises, ses parents adoptifs doivent en toute hâte l'emmener à l'hôpital. La première fois pour avoir avalé une bouteille d'insecticide, la seconde parce qu'il a introduit une broche dans une prise électrique.

Adolescent, Steve est fasciné par la technologie. Il répare avec talent de vieilles chaines vidéo et fabrique toutes sortes d'objets électroniques originaux comme un compteur de fréquences. A l’âge de 13 ans, il rencontre William Hewlett, co-fondateur de Hewlett Packard, qui lui confie de petits travaux d'été. Vers l’âge de 14 ans, Steve rencontre Steve Wozniak, de 5 ans son ainé, un jeune informaticien, génie de l’électronique. Il se lance avec lui dans le piratage de téléphone. Les deux astucieux jeunes hommes commercialisent de grandes quantités de boites qui permettent de communiquer dans le monde entier sans payer. Fort heureusement, cette activité illégale sera de courte durée, car Wozniak trouve du travail comme programmateur chez HP.

En 1972, Steve Jobs rentre à l'université mais n’a pas les moyens de se payer un logement. Aussi est-il hébergé chez des amis. Ce cercle d'amis s’intéresse aux philosophies orientales. Après avoir séjourné près de 18 mois au Reed Collège, où il suit en auditeur libre des cours de typographie, Steve Jobs est embauché par Atari comme concepteur de jeux vidéo. Toutefois, son séjour dans l'entreprise est bref ; il a juste le temps de concevoir un jeu qui lui apportera un pécule suffisant pour financer un voyage en Inde : il souhaite en effet rencontrer là-bas un gourou très célèbre. Malheureusement, le voyage se termine par une dysenterie qui oblige Steve à revenir aux Etats Unis.

Le discours de Steve Jobs devant les étudiants de l'Université de Stanford


2. Steve Jobs et Wozniak : deux entrepreneurs qui ont changé nos vies

En 1974, il retrouve son ami Wozniak et tous deux se lancent dans la fabrication du Apple I. Steve Jobs perçoit immédiatement le potentiel commercial du produit et entreprend de convaincre son ami Woz de créer une société pour commercialiser le produit. La toute jeune société des deux Steve débute avec à peine 1750 dollars de fonds propres. Hélas, le succès n'est pas au rendez vous : le distributeur Paul Terrell aura beaucoup de mal à écouler les cinquante ordinateurs car le produit relève trop du bricolage et ne s'adresse qu’à des initiés. Mais, sous le feu de la passion, Wozniak a déjà conçu l'Apple II.

Steve Jobs insiste pour que ce second modèle soit logé dans une belle coque en plastique. L’ordinateur dispose d'une disquette qui permet de recevoir des programmes et un écran qui permet d'afficher des images en couleur. Jobs cherche des financements mais McKenna, un grand publiciste, ne fera pas confiance à ce jeune écervelé qui s'habille comme un hippie ! C'est finalement Mike Markkula, un riche retraité qui a fait fortune chez Intel, qui accepte de miser 95000 dollars sur le projet. L'ordinateur Apple II connaitra très vite le succès : son design et sa simplicité d’utilisation vont très vite séduire le public et les commandes vont affluer. En 1978, Apple atteint le chiffre d'affaires de 7,8 millions de dollars et compte 150 employés.

Après avoir visité le centre de recherche de Palo Alto de Xerox, Steve à une nouvelle révélation : le Lisa, qui deviendra le fameux Macintosh. Il embauche alors un génie du marketing, John Sculley, qui avait contribué à développer le changement d'image de Pepsi Cola auprès des jeunes. Très vite, ce dernier prend la direction générale d'Apple à la demande de Steve Jobs. Le Macintosh fait la une des journaux avec une campagne de publicité qui coûte 15 millions de dollars. Après un excellent démarrage, les ventes s'écroulent brusquement à cause de la concurrence, qui vend des ordinateurs moins élégants mais avec une capacité de mémoire 4 fois supérieure.

Wozniak donne alors sa démission estimant que Steve Jobs n'investit pas assez sur l'Apple II, qui représente encore près de 70% des ventes. La nouvelle du départ de Wozniak fait chuter le cours de l'action et de terribles dissensions s’ensuivent au comité de direction d'Apple. Le 31 mai 1985, Steve Jobs apprend que Sculley, celui là même qu'il avait embauché, convoque le conseil d'administration, exigeant le départ de Jobs.

A 30 ans, le fondateur d'Apple se trouve sur une voie de garage et Sculley licencie 1500 personnes, pour sauver l'entreprise. Jobs vend ses parts et récupère ainsi 80 millions de dollars ; il en investit 12 dans sa nouvelle société, Next. Bien que très innovants, les ordinateurs fabriqués dans cette nouvelle société ne connaissent pas le succès attendu, à cause de la concurrence des IBM. La traversée du désert va durer 10 ans.

Cependant, Steve Jobs n'est pas homme à se laisser abattre. En 1986, il crée un studio d'animation, la société Pixar. Le 19 Novembre 1995, il produit " Toy Story ", un long métrage sur ordinateur qui connait un succès fracassant. Il introduit habilement sa société en bourse. Le titre s'arrache et génère un volume d'achat de 152 millions d'Euros. Quelques années plus tard, en 2006, Disney rachètera Pixar pour 7, 4 milliards de dollars. Par le jeu des échanges d'action, Steve Jobs détiendra 7% du capital de Disney.

Fin 1996, Gilbert Amelio, le PDG d'Apple., propose à Steve Jobs un poste de conseiller à temps partiel. Il faut dire que chez Apple, la situation est particulièrement délicate, au point que certains spécialistes comme Michael Dell n' hésite pas à déclarer qu'" Apple ferait bien de fermer ses portes et de rendre l'argent aux actionnaires ". Pour relancer la marque, Steve Jobs commence par réduire la gamme pour ne conserver que les produits " phares " et programme une campagne de pub visant à repositionner la marque sur ce qui a fait son succès : la différence (Think différent !). Pour Jobs, les ordinateurs d'Apple sont devenus de banals PC, des " camions " et il est convaincu que le succès reviendra si Apple cultive sa singularité, plutôt que de se mettre en conformité avec les normes imposés par les leaders du marché que sont IBM ou HP. L'année 1997 est particulièrement difficile, car le chiffre d'affaires est tombé de 11 milliards en 1995 à 7 milliards en 1997.

Avec l'appui d'un designer d'Apple, Jonathan Ive, Steve Jobs lance l'Imac, doté d'un écran de couleur en plexiglas. Ce lancement est effectué en dépit d'études de marché peu favorables, mais Steve a bien senti le marché : en 1998, pour la première fois depuis des années, Apple renoue avec les bénéfices. Cette relance a été particulièrement douloureuse puisque Steve Jobs a dû faire appel aux capitaux du concurrent de toujours : Microsoft. Bill Gates n'hésitera pas en effet à investir près de 150 millions de dollars pour le retour de la marque à pomme.

En 2000, un ingénieur Tony Fadell propose à Steve Jobs un nouveau système qui permet de télécharger légalement de la musique, en associant un baladeur MP3 avec un site dédié de téléchargement : Itunes. Steve Jobs y voit une possibilité de diversification. Il exige de Tony l'exclusivité et lui accorde une équipe de 30 personnes. En Octobre 2001, Steve lance lPod après l'avoir fait " redesigner " par le designer Jonathan Ive.

Mais les ventes de l'Ipod ne décollent véritablement qu'en 2003 ; auparavant, Il a fallu vaincre deux obstacles : d'abord ouvrir ITunes aux PC et ensuite convaincre les maisons de disques que le téléchargement de musique pouvait leur rapporter. Ces dernières ont été très réticentes au début : " Les technologies ne vont jamais fonctionner. Nous avons des ingénieurs diplômés qui connaissent les choses à fond et nous pensons qu'il n'est pas possible de protéger les contenus numériques ". Jobs leur rétorque qu'elles " ne pourront jamais lutter contre le téléchargement gratuit et qu'il était préférable d'entrer en compétition avec lui ". En juin 2003, 1000 000 d'Ipod ont été vendus.

2003 sera pour Steve Jobs une année particulièrement intense. En plus du lancement de l'Ipod, Apple lance un nouveau système d'exploitation, le Mac Os X, conçu à partir des recherches menées dans le cadre de son ancienne société NeXT. En Octobre 2003, une terrible épreuve attend Steve Jobs : il apprend, dans le cadre d'une visite de routine, qu'il est atteint d'un cancer du pancréas.

Entre 2003 et 2004, Steve pratique un régime alimentaire spécialement adapté à sa maladie mais il est dans l'obligation, en juillet 2004, de subir une intervention chirurgicale destinée à éliminer sa tumeur. L'action d'Apple ne subit qu'une baisse de 2,4 points. Ipod compte pour 16% des revenus d'Apple mais Steve Jobs a l'intuition que cette activité est menacée par les téléphones mobiles qui intégreront à terme une fonction MP3.

En 2005, il rencontre secrètement Stan Sigman, le patron de l'opérateur de téléphonie mobile Cingular, à qui il présente un concept de téléphone portable révolutionnaire : l'IPhone. Après avoir passé des accords d'Exclusivité avec les opérateurs leaders partout dans le monde, il annonce au Macworld le 8 janvier 2007 ce nouveau téléphone, qui combine le design d'Apple et la fonction tactile. Le 29 juin de la même année, alors que l'iPod a dépassé les 100 millions d'exemplaires, l'Iphone est lancé.

Le 15 janvier 2009, les ventes de l'Iphone battent leur plein mais Steve Jobs est à nouveau obligé de quitter son poste pour subir une greffe du foie. Le 27 janvier 2010, il présente une nouvelle innovation, l'Ipad, dont on connaît le succès actuel.

En 12 ans, sous la direction d'un manager inspiré, la société Apple est passée de 3 à 10% de part de marché dans un secteur hyperconcurrentiel et son cours a été multiplié par 50. Selon un récent sondage, il serait l'entrepreneur le plus admiré par les adolescents américains.

La Saga d'Apple : 30 ans d'histoire


3. Une stratégie orchestrée dans le temps, basée sur l'innovation et la différenciation

La stratégie économique développée par Steve Jobs repose sur l'innovation et la différenciation. Le renouvellement constant des activités et des produits constituant le portefeuille d'activité permet à l'entreprise de renouveler en permanence les sources de création de valeur.

Quand les ordinateurs de bureau déclinent, les Mac portables prennent le relais ; quand les ventes de ces derniers baissent ce sont les IPod qui prennent le relais ; dès que ces derniers entrent en maturité, ce sont les Iphones qui apparaissent, etc.

La courbe de vie des produits est magnifiquement gérée ainsi que la temporalité du renouvellement des produits. D'après Maurice Bracka, PDG de Global Technologies, dans le secteur des produits informatiques, " nous avons une vie de chien : un an est égal a 7 ans. Il faut en permanence se repenser la stratégie. "

Une analyse du séquencement temporel des innovations produites par Apple illustre la compétence temporelle dont Steve Jobs a su faire preuve tout au long de son parcours d'entrepreneur :

1976 : Naissance de l'Apple I
1977 : Naissance de l'Apple II
1984 : Naissance du Macintosh
1988 : Naissance de l'ordinateur NeXT
1995 : Sortie du premier film d'animation 3 D'
1998 : Naissance de l'Imac
2001 : Ouverture du 1 magasin Apple a Los Angeles
2003 : Lancement de l'Ipod et de l'Itunes
2007 : Lancement de l'Iphone
2010 : Lancement de l 'Ipad

On peut constater que tous les 3 ou 4 ans, Steve lance un nouveau produit qui constitue à chaque fois une innovation de rupture par rapport à la précédente, ce qui montre une capacité d'anticipation impressionnante et une véritable passion " téléologique ".

Mais si le succès est généralement au rendez-vous, c'est aussi parce que Steve Jobs " sent " les marchés. Il est d'ailleurs d'un perfectionnisme redoutable ; il impose à ses équipes de recherche des améliorations constantes jusqu'à ce que ce que les produits correspondent à l'idée qu'il se fait des attentes des clients. " Si je vous demande de faire ceci ou cela ", dit-il , " c'est parce ce que je sais ce que veulent les clients ". A chaque innovation, ce créateur infatigable intègre les besoins des clients, qu'il ne perd jamais de vue.

Selon le sociologue Norbert Alter, ce qui distingue l'invention de l'innovation vient du fait que celle-ci correspond à des besoins sociaux ou sociétaux et permet la création d'un marché. Les chiffres sont là pour le confirmer :
- 250 millions d' IPod vendus depuis son lancement en 2001
- 8,5 milliards de chansons téléchargées par ITunes depuis 2003
- 43 millions d'Iphone vendus depuis son lancement en 2007
- 3 milliards d'applications téléchargées sur l'Applestore
- 140 000 applications AppStore disponibles
- 5 à 6 millions d'IPad depuis Juin 2010
- 50 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2010
- 3, 3 milliards de dollars de bénéfice net au 1er trimestre
- 284 magasins d'Apple dans le monde depuis 2001
- L'ouverture le 6 janvier de Mac App Store destiné à la vente de logiciels

Si on analyse les chiffres d'affaires des ventes nettes par type de produits (en dollars), on mesure bien avec quelle intuition le patron d'Apple a su renouveler la gamme des produits et des activités.

[TABLE, largeur:550,bordure:#0033CC] Produits;2007; 2008; Evolution; 2009; Evolution Mac Bureau; 4,020;5,603; 39%; 4,304; -23% Mac Portables;6,294;8,673;38%;9,472;9% Total Mac; 10,314; 14,276; 38%; 13,780; -3% Ipod;8,305; 9,153; 10%; 8,091; -12% Services musicaux;2,496;3,340; 34%;4,036; 21% Iphone; 123;1,844; NC; 6,754; 266% Periphériques;1,260; 1,659; 32%; 1,470; -11% [TABLE]

Steve Jobs présente la derniere innovation d'Apple : l'Ipad


4. Think different !

Tout au long de son parcours, Steve Jobs s'est efforcé de cultiver la différence en jouant sur le design des produits et leur simplicité d'utilisation. Cet effort permanent a guidé son existence. Peut-être doit-il cette recherche de l'essentiel à la quête spirituelle qu'il avait entreprise dans sa jeunesse. Son but ultime : offrir des produits technologiques esthétiques qui aident à agir et à penser avec facilité et plaisir.

Carmine Gallo a publié un livre intitulé " The Innovation Secrets of Steve Jobs ", dans lequel, il montre comment Steve Jobs a construit son développement professionnel et entrepreneurial sur le thème de la différenciation permanente. Voici le résumé de ces huit secrets d’innovation publiés dans le journal Businessinsider du 29 septembre 2010 et traduit en français par le site canadien InnovClass

1. Faites ce que vous aimez d’abord, et avec passion !
La passion est le moteur de l'innovation. Pour être innovateur, il est donc nécessaire de suivre sa passion jusqu'au bout, surtout si elle vous conduit à quelques succès.

2. Pensez différemment de votre vision
Avez-vous une vision ? Pensez différemment de votre vision. Entourez-vous de personnes qui partagent votre vision. Steve Jobs est entouré de personnes qui sont déterminées à transformer ses idées en innovations.

3. Changez votre manière de penser
Changez votre manière de penser. Il n’y a point d’innovation sans créativité et selon Jobs, la créativité c’est l’art de connecter des informations différentes car cela permet de d'éclairer l’expérience humaine.

4. Vendez des rêves, pas des produits !
Voyez vos clients différemment. Pour Jobs, les personnes qui achètent les produits d’Apple ne sont pas des consommateurs. Ce sont des personnes avec des rêves, des espoirs et des ambitions. Les produits que Jobs proposent ont pour but d’aider les gens à atteindre leur rêve.

5. Dites non à 1 000 choses
Pensez le design de vos produits autrement. Selon Jobs la simplicité est la finalité de la sophistication. L’innovation rime avec aller à l’essentiel. Éliminer tout le superflu et mettre en valeur ce qui est nécessaire. Les designs des produits d’Apple en sont la preuve.

6. Créer des expériences inoubliables
Pensez votre marque de commerce autrement. Jobs a fait des boutiques d’Apple l’étalon or du service à la clientèle. Ce qui explique que la boutique Apple est devenue le meilleur détaillant en introduisant des innovations si simples que toute entreprise peut adopter pour mieux se entrer émotionnellement en relation avec sa clientèle.

7. Maîtriser votre message
Jobs a toujours lancé les produits de la société Apple en créant des évènements. Le lancement de ses produits ressemble souvent à un évènement artistique. Vous pouvez avoir l’idée la plus innovatrice du monde, si vous ne pouvez pas séduire les gens avec votre idée, ça ne marchera pas.

8. Votre marque de commerce c’est vous même !
Selon l’auteur du livre, Carmine Gallo, tous ces principes d’innovation sont voués à l’échec si vous n’êtes pas le symbole vivant de votre marque. Si vous êtes à la recherche d’idées pour améliorer l’image de votre entreprise, n’oubliez jamais une chose : votre première marque de commerce c’est vous-même.
Votre manière de parler, de marcher et d’agir reflète votre marque de commerce. Mais plus important, ce que vous pensez de vous-même aura le plus grand impact dans la création de nouvelles idées qui vont faire croître votre entreprise et amélioreront la qualité de vie de vos clients. Par conséquent, vous devez d’abord regarder au fond de vous-même et estimer votre potentiel de base. Imaginez ensuite ce que vous pouvez réaliser en affaires avec votre potentiel et votre inspiration. Imaginez enfin ce que vous pourrez accomplir si vous aviez Steve Jobs à vos côtés pour orienter vos décisions. Pensez : Qu’est ce Steve Jobs aurait fait à ma place ? "

L'analyse de cette expérience managériale si singulière met en évidence combien le dirigeant de cette entreprise a su sur la durée " orchestrer " le génie humain de ses collaborateurs. En combinant des forces contradictoires, il a contribué à la création d'une entreprise " symphonique ". Ce terme emprunté à Pierre Levy) (1995) convient bien pour définir le talent managérial de Steve Jobs ; il définit la capacité d'un manager à susciter une action collective harmonieuse et synchronisée avec les besoins de son environnement.

La publicité d'Apple en 1997


5. Steve Jobs : un entrepreneur schumpeterien

David Mourey, professeur de Sciences Economiques et Sociales distingue clairement dans un de ses nombreux articles la croissance " smithienne " de la croissance schumpétérienne.

Pour Adam Smith, la prospérité dépend de la taille des marchés : " En effet, plus le marché est grand, étendu, plus la demande potentielle est élevée et plus la capacité d’un agent économique à échanger le surplus de sa production sur sa propre consommation progresse ". (Mourey, 2007)

Avec la mondialisation, l'internationalisation des marchés devrait permettre d'augmenter la taille des marchés et donc la richesse des nations. Cependant, l'actualité montre tous les jours, autant par ceux qui disparaissent que ceux qui survivent, que cette croyance correspond à une vision économique dépassée. Elle a été formalisée en 1776 par Adam Smith dans son livre Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. Elle repose sur une vision quantitative de l'offre, comme si l'offre des producteurs allait comme par magie rencontrer une demande équivalente de la part des marchés.

Ce miracle serait possible, selon cet auteur, grâce à la division du travail. Chaque acteur individu ou nation étant de plus en plus spécialisé aurait nécessairement besoin des produits ou services fabriqués par les autres.

Si ce modèle s'est avéré opérant pendant la révolution industrielle pour les pays européens, il apparait aujourd'hui peu adapté. En effet, malgré les évolutions technologiques et l'amélioration de la productivité globale du travail, ces pays ne pourront jamais lutter contre les coûts des salaires des pays émergents comme la Chine (qui elle, par contre, s'inscrit complètement dans le modèle smithien).

Le modèle schumpétérien s'avère plus adapté aux pays occidentaux, à la condition qu'ils puissent [" se débarrasser des oeillères qui ne laisse pas voir aux économistes autre chose que la concurrence des prix. Dès que la concurrence des qualités et l'effort de vente sont admis dans l'enceinte sacrée de la théorie, la variable prix cesse d'occuper sa position dominante ".]i

La vraie concurrence pour Schumpeter (1883 - 1950) est liée à l'innovation. Le premier à développer une innovation aura plus de chance de s'enrichir que celui qui reste rivé sur les coûts.

Car l'économie, selon lui est en transformation permanente, c'est " un ouragan perpétuel " où des activités se détruisent d'elles-mêmes à cause de l'apparition de nouvelles. L'économie n'est pas stationnaire comme Smith et ses continuateurs l'affirmaient, elle est biologique. Voici ce qu'il dit à ce sujet dans son livre Capitalisme, Socialisme et Démocratie (1942) :

" Le capitalisme, répétons-le, constitue, de par sa nature, un type ou une méthode de transformation économique et, non seulement il n'est jamais stationnaire, mais il ne pourrait jamais le devenir. Or, ce caractère évolutionniste du processus capitaliste ne tient pas seulement au fait que la vie économique s'écoule dans un cadre social et naturel qui se transforme incessamment et dont les transformations modifient les données de l'action économique : certes, ce facteur est important, mais, bien que de telles transformations (guerres, révolutions, etc.) conditionnent fréquemment les mutations industrielles, elles n'en constituent pas les moteurs primordiaux. Le caractère évolutionniste du régime ne tient pas davantage à un accroissement quasi-automatique de la population et du capital, ni aux caprices des systèmes monétaires - car ces facteurs, eux aussi, constituent des conditions et non des causes premières. En fait, l'impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d'organisation industrielle - tous éléments créés par l'initiative capitaliste ".

Il est donc celui plus important d'analyser en permanence ce processus de destruction créatrice qui constitue la donnée fondamentale du capitalisme que de " rechercher la maximisation du profit ".

Les stratèges et les économistes devraient selon lui considérer " ce comportement, d'une part, comme le dénouement d'une tranche d'histoire ancienne et, d'autre part, comme une tentative pour s'adapter à une situation appelée, à coup sûr, à se modifier sans délai - comme une tentative, de la part de ces firmes, à se maintenir en équilibre sur un terrain qui se dérobe sous leurs pieds ".

Il n'hésite pas à condamner cette logique gestionnaire, encore très présente aujourd'hui quand il affirme : " En d'autres termes, le problème généralement pris en considération est celui d'établir comment le capitalisme gère les structures existantes, alors que le problème qui importe est celui de découvrir comment il crée, puis détruit ces structures. Aussi longtemps qu'il n'a pas pris conscience de ce fait, le chercheur se consacre à une tâche dépourvue de sens, mais, dès qu'il en a pris conscience, sa vision des pratiques capitalistes et de leurs conséquences sociales s'en trouve considérablement modifiée ".

La concurrence la plus redoutable selon Schumpeter n'est pas celle qui se bat sur les prix mais celle qui apporte sur un marché une innovation radicale. " Du même coup, en premier lieu, est jetée par-dessus bord la conception traditionnelle du fonctionnement de la concurrence. Les économistes commencent - enfin - à se débarrasser des œillères qui ne leur laissaient pas voir autre chose que la concurrence des prix. Dès que la concurrence des qualités et l'effort de vente sont admis dans l'enceinte sacrée de la théorie, la variable prix cesse d'occuper sa position dominante ".

Schumpeter avait également bien repéré combien il était difficile pour les élites de sortir du paradigme dominant : " Néanmoins, l'attention du théoricien continue à rester exclusivement fixée sur les modalités d'une concurrence enserrée dans un système de conditions 1 notamment de méthodes de production et de types d'organisation industrielle) immuables. Mais, dans la réalité capitaliste (par opposition avec l'image qu'en donnent les manuels), ce n'est pas cette modalité de concurrence qui compte, mais bien celle inhérente à l'apparition d'un produit, d'une technique, d'une source de ravitaillement, d'un nouveau type d'organisation (par exemple l'unité de contrôle à très grande échelle) - c'est-à-dire la concurrence qui s'appuie sur une supériorité décisive aux points de vue coût ou qualité et qui s'attaque, non pas seulement aux marges bénéficiaires et aux productions marginales des firmes existantes, mais bien à leurs fondements et à leur existence même. L'action de cette modalité de concurrence dépasse celle de la concurrence des prix tout autant que les effets d'un bombardement dépassent ceux d'une pesée sur une porte ; de plus, son efficacité est tellement plus grande que la question de savoir si la concurrence, au sens ordinaire du terme, joue plus ou moins rapidement devient relativement insignifiante : en tout état de cause, le levier puissant, qui, à la longue, rehausse la production en comprimant les prix, est d'un tout autre calibre ".

Par son parcours, Steve Jobs semble magnifiquement illustrer la pertinence des intuitions schumpétériennes qui furent, elles aussi, très en avance sur leur temps.

L'économie vue par Schumpeter : un cycle permanent de destruction-création d'activités (Voir à partir de 33')


Bibliographie et sitographie

La Saga d'Apple par Prodimarques
Une analyse schumpétérienne du phénomène Apple]url:http://josiane-randrianaridera.over-blog.com/article-steve-jobs-le-parfait-entrepreneur-a-la-schumpeter-86110543.html

La face cachée de Steve Jobs (Nouvel Observateur)




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