Le Temps des Equipes et des Projets

2.59 Cohésion d’équipe, télétravail, comment y mettre de la bonne résonnance ?


Introduction

A l’heure où la pandémie continue de sévir et avec elle le risque d’un retour en force du télétravail, il nous semble opportun de nous pencher sur le couple cohésion d’équipe-télétravail. Un exercice qui, dans ce contexte précis, devrait nous conduire à l’équation qui apporterait plus de vent d’apaisement au climat global de travail et en particulier à la cohésion d’équipe. Pour ce faire, intéressons-nous un instant à ces deux notions d’un point de vue opérationnel.

Cohésion d’équipe : réalité ou fruit de l’imagination ?

La cohésion n’est possible que dans un groupe humain organisé, dont le fonctionnement obéit de ce fait à plusieurs critères. Voir schéma ci-dessous :
 
Schéma 1 : synthèse des conditions de succès d’une cohésion d’équipe


Dès lors, peut-on parler de cohésion d’équipe en dehors de ce cadre ? N’est-ce pas illusoire d’évoquer la cohésion d’équipe alors même :
  Que l’orientation politique de l’entreprise tend à négliger l’humain ?
 
Que le manager affiche peu de considération à l’égard de ses collaborateurs ?
 
Que la tendance managériale est d’attiser les rivalités plutôt que les solidarités ?
 
Que le manager est exécrable, colérique, dominateur, manipulateur… ?
 
Que certains collaborateurs bénéficient d’un traitement de faveur au détriment d’autres ?
 
Que les divisions et les guerres intestines perdurent ?
 
Sur le terrain, ce sont ces cas de figure qui mettent à mal la cohésion d’équipe et rendent le télétravail difficile. Car ici, la cohésion d’équipe n’existe point. Il n’y en n’a jamais eu.
 

Le télétravail : un double niveau d’exigence

Il est indéniable que la réussite du télétravail repose sur la cohésion d’équipe.

Si la cohésion d’équipe suppose l’existence d’une bulle harmonieuse réunissant un nombre défini d’individus, fonctionnant de façon cohérente et sensée, il est certain qu’avec le télétravail, cette bulle subit un éclatement. Lequel donne lieu à une multitude d’ilots physiquement distanciés. Est-ce pour autant la fin de la bulle ? Est-ce le glas de la cohésion d’équipe ? Aucunement ! En effet, lorsque que la cohésion est réelle, seule la bulle physique connait cet éclatement. Les valeurs partagées, la convivialité et autres variables socles de cohésion d’équipe demeurent.

Dans la pratique, le télétravail apparait comme un véritable casse-tête, au vu des exigences que sa mise en place sillonne.

En première ligne, les exigences managériales. Maintenir le lien professionnel, le bon relationnel et l’efficacité de l’équipe implique pour le manager, trois obligations clés ; celles de glisser :
 
D’un management de devinettes et de non-dits, à un management de clarté.
 
D’un management de surveillance, à un management de confiance.
 
D’un management par la présence, à un management par objectif.
 
Et enfin, d’un management contraignant à un management de dialogue et de facilitation.  
Schéma 2 : télétravail : synthèses des obligations managériales


Le second niveau d’exigence est celui du collaborateur-télétravailleur. Ici, gérer au mieux son travail requiert :
 
Une réelle gestion mentale de la situation. Autrement dit, une pleine acceptation du fait professionnel. Ce qui a pour effet, non seulement de transformer la représentation du lieu temporaire de travail à domicile (salon, cuisine, chambre, garage, bureau…), mais aussi d’alléger les éventuels ressentis relatifs à différentes déconvenues.
 
Une éducation des cohabitants (conjoint(e), enfants…), de la famille et des voisins, afin que chacun puisse s’approprier et respecter le nouveau rythme.
 
Une organisation et une gestion du temps de travail, soucieuses d’une part de préserver la vie personnelle et le rythme familial et d’autre part, de répondre aux obligations professionnelles.
 
Ces changements de mode de fonctionnement sont d’autant plus nécessaires qu’ils 1) sécurisent la relation à distance, 2) créent et renforcent le climat de confiance et 3) apaisent les esprits des différentes parties prenantes.
 

Télétravail et cohésion d’équipe : l’équation de la bonne résonnance

Sur le terrain, la cohésion d’équipe n’est finalement que la résultante d’un état d’esprit. Elle est bâtie sur la perception de l’équipe comme un tout insécable et un ensemble de règles de vie communautaire, dont le respect, inéluctablement, conduit à une relation de proximité. S’agissant de l’entreprise, trois types de proximité*peuvent alors être envisagées :
  Proximité spatiale ou géographique. C’est le cas des bureaux situés côte à côte, sur le même palier…   Proximité présentielle (physique) tel dans un bureau, un open space ou un atelier. Le manager est facile à trouver quand on a besoin de lui.   Proximité mentale. Elle est plus complexe, mais plus percutante que les deux autres. C’est elle le cœur de la cohésion d’équipe. C’est elle aussi qui fait la performance. Elle découle du leadership et de la bienveillance du manager. Ici, le manager est si affable qu’il en devient un véritable rayon de soleil. Sa présence à elle seule irradie le cadre de travail de bien-être, de motivation et d’énergie.
 
Ces managers là, sont généralement très respectés. Les collaborateurs savent qu’ils peuvent compter sur eux opportunément. Ils sont un facteur de stabilité, de joie de vivre, de dynamisme et de performance. Ils n’ont pas besoin d’être à proximité. Ils sont une véritable plus-value dans la cadre du télétravail.

Par ailleurs, la proximité mentale est sécurisante psychologiquement ; tant elle se joue sur une base de droits et de devoirs, portée par le sens des missions, des rôles et des objectifs à atteindre :
 
Le droit de dire à son supérieur sans honte ni agressivité, ce qui ne va pas et obtenir de lui conseil et appui nécessaires pour débloquer la situation.   En retour, le devoir de respecter les engagements d’action pris, pour préserver la relation de confiance et sécuriser son emploi.  
Ici, point n’est utile « d’avoir le collaborateur à l’œil » pour qu’il fasse son travail et le fasse bien.

Il est toutefois à noter que la proximité mentale ne s’improvise pas. En cas de télétravail, un supérieur, un manager ou un collaborateur toxique peut relativement le rester, selon que les parasites* à l’origine de son état d’esprit et son comportement soient actifs ou non. Eu égard à cela, il devient difficile de mettre efficacement en œuvre le télétravail, si celui-ci se construit sur des vestiges dysfonctionnels. Il y a donc lieu d’inviter au préalable chacun à une introspection, afin que les bases du renouveau organisationnel et managérial qu’offre aujourd’hui le contexte de la pandémie, soient solides, saines et tournées durablement vers l’efficacité et la sérénité de tous.

Comment donc bâtir durablement cette proximité mentale ?

En complément de ce qui précède, il nous semble que la réponse la plus percutante à cette question se trouve dans le récit qui va suivre* :
M. Avalet dirige une entreprise de cinquante-deux personnes. Ce trombinoscope posé sur son bureau, n’échappe à aucun visiteur. Il s’en sert pour présenter fièrement ses équipes.

Ce matin-là, nous avons rendez-vous pour un projet de mise en place des 35 heures.

En faisant le tour de l’entreprise, je constate que M. Avalet appelle chaque collaborateur par son prénom et cela, depuis les bureaux jusque dans les différents îlots de l’atelier. Ses poignées de main et ses signes de tête sont francs. Il y dégage une véritable chaleur, convivialité et une proximité réelle !

… Plus tard, les équipes m’expliquèrent que c’est un homme bien. Que, ce qu’ils apprécient le plus chez lui, c’est de leur donner l’impression d’être importants à ses yeux. Et que chaque journée chez eux commençait toujours ainsi. Ce fut une des rares entreprises où mettre en place les 35 heures a été d’une grande facilité.
 
Voilà ainsi résumée l’équation de la bonne résonnance : une interaction entre trois variables !
 
Schéma 3 : l’équation de la bonne résonnance


Nous ne pouvons qu’inviter et rappeler encore et encore,
 
Aux managers, d’être de véritables leaders et coachs, des rayons de soleil, des sources de bonnes ondes et d’énergie pour leurs collaborateurs, tout en maintenant rigoureusement le cap.   Aux collaborateurs, d’être de bons professionnels et des facilitateurs pour leurs managers et leurs entreprises.
 
Car télétravail, distanciation de lieu de travail, s’accordent parfaitement avec bon climat de travail, efficacité et performance au travail pour ceux qui s’en donnent la peine.

 

Présentation de l’auteure

Elisabeth Malézieux-Mbana est consultante, formatrice, coach en management des ressources humaines et optimisation de la performance depuis une vingtaine d’années.

Au gré de l’accompagnement, elle a navigué au cœur d’entreprises de divers secteurs et partagé avec elles des réalités de terrain édifiantes. Expériences qu’elle relate dans son ouvrage*. Et forte de ce vécu, elle se consacre désormais au management des situations de travail : https://emalezieux-consulting.fr/

Elisabeth Malézieux-Mbana est diplômée de l’IAE de Grenoble en management stratégique des ressources humaines, avec une double formation psychologie cognitive et philosophie.

Elle exerce en parallèle des activités d’art, modélisme et d’écriture romanesque.

* Publication (2020) : « Dirigeants, Managers, Collaborateurs, ces parasites qui vous nuisent au travail »

Elisabeth MALEZIEUX-MBANA
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