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Les 4 Temps du Management

Chroniques impertinentes & constructives

Quand les sciences de gestion rencontre l'épreuve du Réel


Quand les sciences de gestion rencontre l'épreuve du  Réel
Les travaux scientifiques récents, soulignant l'urgence des défis climatiques, marquent un tournant pour les sciences de gestion. Ces études viennent bousculer un univers longtemps conforté dans ses certitudes, en mettant en lumière les lacunes d'une discipline qui semblait déconnectée des impératifs environnementaux.

Les chiffres sont sans appel : selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), il est crucial de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels pour éviter les conséquences les plus désastreuses du changement climatique. Pourtant, les émissions globales de CO2 ont atteint un niveau record en 2019, mettant en péril les objectifs de l'Accord de Paris.

Cette dissonance entre les avertissements scientifiques et les pratiques managériales traditionnelles interpelle et appelle à une réflexion profonde sur les fondements des sciences de gestion.

Une révélation critique qui oblige à repenser les fondamentaux

La prise en compte des enjeux environnementaux agit comme un révélateur, mettant en exergue les limites d'une discipline longtemps emprisonnée dans un cadre conceptuel orienté vers une création de valeur exclusivement financière et immédiate. Jusqu'à récemment, les sciences de gestion pouvaient être perçues comme prisonnières d'un imaginaire aliénant, promouvant des prises de décision excluant les impacts sur la nature et la planète.  

Cette approche anthropocentrée, en plaçant l'humain au centre de toutes préoccupations sans considération suffisante pour l'environnement témoigne d' un sérieux décalage avec la réalité de notre monde interconnecté.

 Vers une approche plus inclusive et réaliste

L'exclusion de la nature du champ d'analyse managérial témoigne d'une posture problématique, pouvant être interprétée comme une forme de névrose, relevant de la schizoïdie dans le sens où elle marque une séparation marquée entre l'humain et son environnement. Cette division artificielle entre l'entreprise et l'écosystème dans lequel elle opère traduit une incompréhension fondamentale des principes régissant notre monde, où l'humain et la nature sont inextricablement liés.

L'intégration des défis climatiques dans les sciences de gestion ne représente pas seulement une nécessité éthique; elle constitue également une opportunité d'élargir notre compréhension des dynamiques à l'œuvre dans le monde des affaires. En adoptant une vision plus holistique, reconnaissant la planète non comme un simple réservoir de ressources à exploiter mais comme un système vivant avec lequel nous partageons un destin commun, les sciences de gestion peuvent contribuer de manière significative à la transition vers une économie plus durable et résiliente.

L'évolution des sciences de gestion vers une reconnaissance pleine et entière des enjeux environnementaux marque ainsi une étape cruciale vers une gestion plus réfléchie et adaptée aux réalités de notre époque. En s'ouvrant à la complexité du réel, en intégrant les dimensions écologiques et sociales au cœur de ses réflexions, le management se dote des outils nécessaires pour naviguer dans un monde en mutation, où la survie des entreprises comme celle de nos sociétés dépend de notre capacité à agir de manière responsable et éclairée.

La crise des sciences de gestion : un passage obligé pour la métamorphose

La remise en question des fondations  des sciences de gestion, à la lumière des défis environnementaux actuels, nous amène à poser l'hypothèse d' un passage obligé par une phase de crise, comme permet de le comprendre la notion de "cadre contenant" chez Bleger. Cette crise, bien que perturbatrice, est essentielle pour permettre une transformation profonde des paradigmes gestionnaires et managériaux. .

La crise induite par la remise en question des "murs porteurs" des sciences de gestion n'est pas simplement une période de trouble ou de désorientation. Elle représente une opportunité cruciale pour reconstruire ces disciplines sur des bases plus adaptées aux impératifs écologiques et sociaux de notre époque.

Bleger, avec l'idée du "cadre contenant", illustre comment les structures conceptuelles et théoriques agissent comme des presciptions pour nos pensées et nos actions. Lorsque ces cadres deviennent obsolètes, leur remise en question provoque une crise, mais aussi une chance de repenser et de redéfinir ces contenants.

La nécessité de repenser les sciences de gestion sous l'angle des défis climatiques exige de questionner les principes de base qui ont longtemps guidé ces disciplines. Il s'agit notamment des principes d'efficacité maximale, de croissance continue, et de profit comme fin ultime. Ces principes, autrefois considérés comme inébranlables, se heurtent désormais à la réalité d'un monde aux ressources limitées, où les impacts environnementaux et sociaux des activités économiques ne peuvent plus être ignorés.

Vers la construction d'un nouveau cadre de référence

La construction d'un nouveau "cadre contenant" pour les sciences de gestion implique l'adoption de valeurs, de théories et de pratiques qui reconnaissent l'interdépendance entre les entreprises, les sociétés, et l'environnement naturel.

Il s'agit plus qu'un changement: il s'agit d'un retournement. Le terme de "métanoïa" qui signifiie "retournement" est plus adapté pour qualifier ce qui se passe. 

Les sciences de gestion doivent  désormains intégrer des notions qu'elles ont toujours rejetées parfois avec vigeur et arrogance. Qui a oublié les propos climato -  sceptiques de l'ancien ministre de l'Education Nationale, puis de la Recherche  Claude Allègre, scientifique de formation, plusieurs fois récompensé pour ses travaux et auteur du livre très polémique "L'imposture climatique ou la fausse écologie" ? 

3 notions apparaissent vraiment comme essentielles à intégrer :
 
- La durabilité comme principe directeur: Intégrer la durabilité non comme une contrainte, mais comme un élément central de la stratégie d'entreprise.

- L'éthique environnementale et sociale : Placer l'éthique au cœur des décisions managériales, en considérant les impacts à long terme sur la planète et sur les communautés.

- L'innovation responsable : Encourager les innovations qui contribuent à des solutions durables, plutôt que celles qui perpétuent le statu quo.
 
Cette crise actuelle dans les sciences de gestion, n'est pas une fin en soi. C'est  le début d'un processus de transformation nécessaire. En remettant en question les "murs porteurs" et en redéfinissant le "cadre contenant", ces disciplines vont évoluer vers des modèles plus résilients, éthiques et adaptés aux défis de notre temps. On parle à ce sujet "d'économie régénérative". Celle - ci pose l'hypothèse fondamentale que non seulement la mission d'une entreprise n'est plus seulement de produire du profit, que non seulement il ne s'agit pas de créer des externalités positives sur la planète mais aussi de contribuer à sa  régénération. 

Cette remise en question ne se fera sans doute pas sans trouble, mais elle est essentielle pour assurer un avenir durable pour les entreprises et les sociétés qu'elles servent.

Comment les sciences de gestion vont - elles résister au changement voire à la métamorphose ?

La résistance au changement dans les sciences de gestion, face à l’impératif d’intégrer des considérations environnementales et sociales, est à prévoir. Cette résistance peut émaner de diverses sources, tant structurelles que culturelles, et les réponses à cette résistance seront cruciales pour déterminer la trajectoire future des disciplines managériales.

Voici quelques éléments de réflexion sur les forces de résistance et les moyens par lesquels les sciences de gestion pourraient soit succomber à ces résistances, soit les surmonter.
 
- L'inertie InstiIutionnelle: Les institutions et les organisations professionnelles, ont tendance à résister au changement en raison de leur structure et de leur culture établies. La remise en question des paradigmes existants peut être perçue comme une menace pour l'identité et la légitimité de ces institutions.

- Les intérêts économiques: Les modèles d’affaires existants, souvent basés sur la maximisation du profit à court terme, peuvent être en conflit avec les impératifs de durabilité qui requièrent des investissements à long terme et une possible réduction des marges bénéficiaires immédiates.

- Le manque de vision à long terme: La pression pour des résultats immédiats, tant dans le monde académique que dans la pratique managériale, peut entraver la volonté et la capacité d'adopter une perspective à long terme nécessaire pour intégrer des considérations environnementales et sociales.

- Les cadres conceptuels dominants: Les cadres théoriques et conceptuels dominants dans les sciences de gestion ont souvent été développés sans prendre en compte la durabilité environnementale et sociale, rendant leur adaptation à ces nouvelles réalités difficile.

- La rationalisation: Justifier le maintien du statu quo en mettant l'accent sur les contraintes économiques et les incertitudes liées à l'adoption de pratiques durables.

- La partiellisation : Isoler les questions de durabilité dans des départements ou des cours spécialisés, sans intégrer ces considérations dans l’ensemble du curriculum ou des pratiques managériales.

- La dimension symbolisme: Adopter un discours sur la durabilité sans mettre en œuvre de changements substantiels dans les pratiques, ce qui peut être considéré comme du "greenwashing".

Ce qu'il faut pour générer des transformations significatives

Le changement est nécessaire mais il s'opère tres lentement. Cette lenteur témoigne, à l'évidence, d'une certaine résistance.  Mais il y a un autre signe qui le confirme, c'est que la plupart des nouvelles théories n'émergent pas des milieux académiques institués mais de checheurs indépendants, certes savants,  mais souvent à la marge. Citons pour  exemple Jean - Marc Jancovici   qui a plus un parcours  d'entrepreneur même s'il a occupé la fonction d'enseignant quelques temps ou encore Jeremy Dumont qui  a exercé longtemps la fonction de directeur commercial ou de consultant avant de fonder l'association "Nous sommes vivants. Avant eux,  on aurait également pu citer Pierre Rabi à l'origine du mouvement Colibris qui fut d'abord agriculteur puis philosophe, ou encore Maurice Strong, influenceur mondial pendant 45 ans qui était un  devenu multi-millionaire dans le pétrole, avant d'occuper des fonctions de conseiller spécial à l’ONU, etc...

Voici quelqu'unes des pistes à encourager pour faciliter la métamorphose: des modèles:
 
- Revisiter les concepts qui ont jusqu'à présent inspirés les sciences de gestion: Les institutions académiques comme les entreprises ne pourront faire l'économie d'un effort d'exploration sur les impensés qui sous tendent leurs principes, méthodes et outils. Blanche Ségrestin a déja commencé ce travail à propos de l'entreprise à mission ainsi qu' Eve Chiapello et Patrick Glibert en explorant la Sociologie des outils de gestion.    Ces recherches qui sont apparues audacieuses au moment de leur publication demandent d'aller plus loin en interrogeant notamment le concept de création de valeur. Longtemps exclusivement orienté sur la performance financière il commence à s'ouvrir à d'autres dimensions à travers le concept des 3P: Personnes , Profit, Planète. Mais le chemin est encore long pour passer de l'idée à la transformation...

-  Intégrer dans les parcours de formation les principes de durabilité, d’éthique et de responsabilité sociale de manière transversale, afin de préparer la prochaine génération de managers à ces défis.

- Renforcer la collaboration entre les universités, les entreprises, les ONG et les gouvernements pour développer des solutions innovantes et durables qui peuvent être intégrées dans les pratiques managériales.

Les sciences de gestion se trouvent à un carrefour critique, où la décision de résister au changement ou de l’embrasser déterminera leur pertinence et leur efficacité dans un monde confronté à des défis environnementaux et sociaux sans précédent. En choisissant de surmonter ces résistances, elles peuvent jouer un rôle de premier plan dans la transition vers une économie plus durable et juste.

Si elles refusent cette transformation radicale, elles risqueront de disparaître ...

Qui a oublié les propos climato - sceptiques de Claudre Allègre, alors ministre de la recherche ?


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