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Les 4 Temps du Management - Réinventer le Management
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Les 4 Temps du Management

Le Temps des Equipes et des Projets

2.14. A Souffrance au Travail et névrose d'organisation (Etude de cas)


1. Le cas des parapluies de Cabourg

Nous vous proposons de commencer par l'analyse) d'un cas, auquel nous avons été confrontés et, qui met en évidence, l'impact de l'organisation sur le comportement des acteurs. Nous réservons l'analyse de ce cas à nos abonnés.

Cela fait plus d’un siècle que l’entreprise " Les parapluies de Cabourg " fabrique des parapluies. Elle a connu une progression permanente jusqu’en 2002, où avec ses 3,353 millions d’Euros, elle dégageait un résultat net de 150 000 Euros.

Mais, depuis cette période, elle perd chaque année environs 10% de son chiffre d’affaires et elle a vu en 2003 ce dernier tomber à 2,2 Millions d’Euros. Il faut dire que, l’entreprise semble un peu souffrir de son histoire. Elle est essentiellement positionnée sur le segment des magasins de maroquinerie qui sont, eux aussi, en voie de diminution importante. Ces magasins sont gérés généralement par une population de dirigeants vieillissants et sont de plus en plus concurrencés par les grandes surfaces.

Cependant malgré ses pertes de CA, l’entreprise conserve un résultat net légèrement bénéficiaire et accroît paradoxalement ses parts de marché sur ses concurrents, qui ne sont pas mieux lotit qu’elle. Elle doit cette situation à une très bonne gestion comptable de son capital et à la compétence indiscutable de son personnel.

La moyenne d’âge étant élevée, le dirigeant de l'entreprise utilise la mesure des préretraites pour alléger sa masse salariale, au fur et à mesure des pertes, mais cette solution aura cette limite en 2005 puisque les entreprises ne pourront plus utiliser cette mesure.

En réalité, la baisse est liée à une baisse générale du marché du parapluie français qui régresse (plus en valeur qu’en volume) inexorablement depuis 1995 de 30% au profit des parapluies d’importation chinois, de moindre qualité, mais fabriqués à des prix 20 fois moins élevés que les parapluies français plus haut de gamme, de bien meilleure qualité en finition design et qualité des tissus. On a là, l’exemple presque caricatural, d’une entreprise de fabrication française confrontée aux ravages de la mondialisation non régulée. Cette situation est évidemment source d'angoisse pour l'ensemble du personnel.

Le parapluie n’est plus un objet de prestige social comme c’était le cas dans le passé. Il est devenu un simple objet utile, jetable. On distingue deux types de clients, les personnes de plus de 60 ans pour qui le parapluie a une fonction également de représentation sociale, et les jeunes qui préfèrent les " K-way " ou les parapluies jetables. Il est clair que le parapluie haut de gamme ira en diminution dans les années à venir et peut-être dans les générations à venir.

L’entreprise a encore, à ce jour, 22 salariés en ETP : 17 salariés sont dédiés à la production, 1 chef d’atelier, 2 commerciaux dont un vient d’être nouvellement embauché, 1 au secrétariat administratif et 1 assistante commerciale. La moyenne d’âge du personnel est élevée (47 ans) et l’ancienneté forte (25 ans de moyenne). Le dirigeant, en plus de ses fonctions de gestion participe à l’animation de la force de vente qui comprend également deux agents commerciaux non salariés qui ne font donc pas partie de l’effectif de l’entreprise. En dehors du sud-ouest dont s’occupe ce dernier, les zones commerciales sont mal définies. Les commerciaux organisent leurs tournées au coup par coup selon l’inspiration du moment.

De façon générale, l’organisation du travail est restée très traditionnelle comme si le fils n’osait rien changer de ce qu’avait fait le père. Il faut dire en effet que le dirigeant actuel représente la 3° génération de dirigeant de cette entreprise fondée en 1880 par le grand père. Des habitudes très fortes se sont inscrites dans la culture d’entreprise encore très marquée par les 50 glorieuses. On retrouve cette dimension dans l’organisation de la chaîne de production qui est restée la même depuis longtemps. L’entreprise ressemble plus à un " jardin potager " qu’à un jardin à la française.

Sur les 17 ouvrières de production 5 sont payées au SMIC (A cette période le taux horaire est de 7,50 Euros de l’heure) car elles sont là depuis moins de 5 ans et les 12 autres gagnent environs 5% de plus auxquels s’ajoutent selon les cas des primes d’ancienneté et quelques primes données " à la tête du client " pour reprendre l’expression de certaines.

Sur les 12 ouvrières, 5 sont postés à des points clés de la chaîne de production. Elles ont des primes payées au rendement. Il y a un système de points lié à la quantité de produits fabriqués. De façon générale, le système de rémunération est illisible et génère de nombreuses différences entre les salariés, ce qui ne favorise pas la cohésion. Cette formule semble être le vestige de l’ancienne direction qui était convaincue que pour bien diriger, il fallait diviser.

La demande des clients a cependant évoluée : les clients demandent de plus de plus de variété. Certains commandent 3 parapluies rouges, d’autres 4 parapluies verts, certains avec une anse en métal d’autres en bois.

Cette nouvelle demande de plus en plus diversifiée génère un accroissement très important des références et complique la gestion des stocks souvent en pénurie ou en surstock. Par ailleurs à chaque commande spécifique, il faut au niveau de la production arrêter les machines, changer le fil de couture, ce qui interrompt d’autant le flux de fabrication et perturbe le rendement des ouvrières.
Cette inadéquation entre le système d’organisation du travail, le système de rémunération et la demande des clients génèrent une certaine souffrance et beaucoup de tensions pour le personnel. Les conflits sont fréquents entre les 5 ouvrières payées au rendement. L’ambiance de travail est devenue détestable.

Par ailleurs le chef d’atelier a fait plusieurs suggestions au dirigeant en termes de changement qui n’ont jamais été suivies de décisions. Ce qui n’arrange pas leurs relations. Les conflits entre eux aussi sont fréquents et une tentative de licenciement pour faute professionnelle, à l’initiative du dirigeant, a été même initiée pour s’arrêter juste à temps car les motifs étaient peu solides.

Les ouvrières sont centrées davantage sur la quantité que sur la qualité. Aussi les problèmes qualité sont-ils nombreux :

10 % sont liés à la finition des coutures
40% aux rivets
10 % aux montures qui coincent
10 % à l’inadéquation des couleurs entre les fourreaux et les parapluies eux mêmes
30 % aux délais de production qui sont rarement respectés.

Par ailleurs l’entreprise est également confrontée à un facteur de saisonnalité. Durant les périodes d’Octobre, Novembre, Décembre, Janvier, Février, Mars, Avril, l’entreprise paye des heures supplémentaires. Chaque année, en effet, l’entreprise mobilise sur 10 semaines consécutives ses salariés en leur demandant de faire 3 h de plus, (ce qui représente un total de 510 heures) et les 18 autres semaines, elle demande de faire 2 heures de plus (soit au total 612 h). Les salariés ne refusent pas ce travail supplémentaire car cela leur permet d’améliorer sensiblement leur rémunération. Par contre en période creuse, Juin, Juillet et Août, l’entreprise fait appel au chômage partiel car il y a une baisse réelle d’activité (pour 40% du temps de travail)

L’entreprise fabrique chaque année 110 000 parapluies en importe 100 000. Les marges sont multipliées par trois sur la première catégorie mais le marché est en régression. Pour chaque parapluie vendu 15 Euros, la marge brute est de 8 Euros. Les parapluies d’importation sont vendus 7 Euros avec une marge de 4 euros.

Une partie de ses concurrents s’est diversifiée sur le parapluie d’importation. Mais ceux-ci, après une période de croissance, ont vu leurs marges laminées car certaines grandes surfaces sont tentées de les court-circuiter pour acheter en direct aux fabricants chinois.

La sortie de secours n’est pas facile à trouver : d’un coté des distributeurs " maroquiniers " vieillissants et en perte de vitesse, d’un autre la grande distribution qui cherche à acheter en direct auprès des fabricants grossistes français pour éviter un intermédiaire.

Après une période de découragement, il arrive à la conclusion que " les carottes ne sont pas cuites " et que sa survie passe par une stratégie d'innovation.

Il a des idées comme par exemple développer une activité de parapluies publicitaires et dans cette perspective, il a pris des contacts avec des constructeurs automobiles qui pourraient intégrer un parapluie par voiture vendue. Cela ouvrirait évidemment des perspectives considérables en termes de CA mais pour sauver les marges, il faudrait délocaliser une partie de cette production en Chine et garder la production de parapluies haut de gamme en France.

Avec plus de 120 ans de savoir-faire " consacré à faire du beau ", il devrait bien avec l’aide de ses collaborateurs parvenir à fabriquer des parapluies de luxe en fabriquant de façon semi-industrielle, en laissant une place au savoir faire et à la " la main humaine qui fera la différence ".

Il envisage aussi de créer un nouveau type de parapluie avec un design innovant. Il est conscient qu'il faut " innover ou disparaître ". Mais il lui faut régler le problème du climat dans l'atelier, les disputes sont trop fréquentes et il serait impossible de faire des séances de créativité avec des relations aussi tendues entre les gens.

Il cherche par ailleurs d'autres activités de diversification tournant autour du savoir coudre. Passionné de montgolfières, il pense que la fabrication de ce type de toiles pourrait convenir au savoir faire de son personnel. Bref, très créatif, il ne manque d'idées.

Un conflit particulièrement violent a récemment eu lieu dans l'atelier. Les deux meilleures ouvrières de production, qui sont placées au centre de la chaîne de production et qui sont payées au rendement se sont disputées très violemment. Elles en sont presque venus aux mains en se reprochant mutuellement de ne pas faire les quotas. D'autres ouvrières ont pris partie pour l'une ou l'autre des protagonistes. Ce qui fait qu'il y a maintenant deux clans dans l'atelier où l'atmosphère est irrespirable. La déléguée du personnel a sommé le dirigeant de se pencher sur la question sous peine de déclencher une grève illimitée.

Devant la gravité de la situation et sur les conseils d'un de ses amis, le dirigeant fait venir un consultant, reconnu pour ses compétences en psychologie, pour tenter d'apaiser les esprits surtout entre ces deux ouvrières car la tension est à son comble. Certaines ouvrières son tellement agacées par cette situation que malgré leur attachement à l'entreprise elles commencent à faire de l'absentéisme.

Si le dirigeant veut tenter de sauver son entreprise en développant cette stratégie d'innovation, il faut que les acteurs puissent retrouver une bonne coopération comme c''était le cas dans les années précédentes.

Questions à traiter :

1. Pourriez-vous faire l'organigramme de la société) tel que vous le percevez aujourd'hui ?

2. Comment expliquez-vous la détérioration des relations entre les deux ouvrières ? Quelles sont à votre avis les causes du problème?

3. Quelles solutions préconiseriez-vous concrètement pour rétablir une certaine harmonie sociale dans cette entreprise ?

Découvrez à travers la solution de ce cas, l'efficacité de la démarche systémique en Management (Réservé exclusivement à nos abonnés payants)

Bibliographie et sitographie




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