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Les 4 Temps du Management - Réinventer le Management
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Les 4 Temps du Management

Le Temps des Valeurs

4.50 Qu'est ce qu'un entrepreneur selon Adriano Olivetti (1901 - 1960) : un acteur au service de la communauté ! par Corrado Paraconne

Corrado Paraconne a été un proche collaborateur, pendant presque 30 ans d'Umberto Agnelli, président de Fiat . Il témoigne ici de son expérience vécue avec des entrepreneurs qualifiés d'utopistes : Piaggio, Agnelli, Olivetti. Ce témoignage démontre que la conception que nous avons de l'entreprise n'a pas toujours été réduite à la seule dimension du profit. Contrairement au modèle dominant enseigné dans beaucoup de grandes écoles et d'universités, c'est aussi, si ce n'est d'abord, une aventure communautaire humaine inscrite sur un territoire. En revisitant, cette expérience, l'auteur nous invite à repenser la fonction entrepreneuriale dans une perspective plus holistique.


J'ai vécu une période vraiment enthousiasmante sur le plan de l'humanisme entrepreneurial dans la deuxième partie des années 90 chez Piaggio, fabricant de scooters dont certains sont diffusés sous la marque bien connue de  "Vespa"

Le président de l'époque était, depuis 4 ans, Giovanni Alberto Agnelli, le fils aîné du président adjoint de Fiat, Umberto Agnelli. Même si parler de fils ainé peut faire sourire car son âge était de 32 ou 33 ans. 

Piaggio ne faisait pas partie du Groupe Fiat, mais le lien avec celui - ci était cependant très fort, la mjorité du capital appartenant à Umberto Agnelli.  par voie de mariage en première noce avec Antonnella Piaggio, la fille du patron mythique des années 50 - 60, Enrico Piaggio . Celui - ci avait parfaitement compris et ce, dès la fin de la seconde guerre mondiale, que le marché n'était plus dans la fabrication de grands avions militaires, secteur spécialisé de Piaggio depuis les années 1920 et pendant la période du fascisme mais qu'il était au contraire de donner à une population peu argentée mais riche d'espoirs avec le développement économique de l'après guerre , les moyens de se déplacer à un prix accessible. La motorisation de l'Italie s'appelera Vespa / Piaggio d'une part et Fiat 500 d'autre part. 

L'idée de Vespa avait été conçue par Enrico Piaggio, émigré au Nord de l'Italie, à Biella en 1943 - 1944, en observant les petits scooters (mopeds) parachutés aux partisans de la Résistance par les anglais. Le terme de Vespa signifie "guêpe"; c'était vraisemblablement à cause du son du moteur que cette marque avait été choisie. Après Vespa, va apparaître "Ape" qui signifie abeille qui fut un petit utilitaire de transport des marchandises légères. Ce véhicule très maniable a fêté il y a 4 ans son 60° anniversaire avec plusieurs millions d'exemplaires vendus. 

Parallèlement à ce développement industriel impressionnant par son intensité, avec la présidence du jeune Giovanni Alberto Agnelli démarre une époque d’engagement sur le et avec le territoire qui fait de l’entreprise Piaggio un cas emblématique d’humanisme industriel. Les acteurs sont tous profondément attachés au territoire. Les travailleurs du bassin territorial, les dirigeants, l’entreprise et la ville sont indissociablement liés. Les entrepreneurs ont une conception totalement systémique de leur action ; ce qui n’a pas empêché l’existence de conflits sociaux très durs dans les années 70 – 80.
« Souvenez-vous que chez nous, ils sont tous rouges ; ce qui change c’est seulement la nuance du rouge. Mais ils fournissent tous un excellent travail car ils ont le goût du travail bien fait et le sentiment d’être « Piaggio », me disait amicalement un jour Giovanni Alberto quand il était président et moi, depuis longtemps, l’assistant de son père chez Fiat, sans qu’il est encore l’idée de me transférer en Toscane.
 
Comment cette vision humaniste de l’entreprise s’est concrétisée de 3 façons :

1°) Il y a d’abord eu la création de la Fondation Piaggio. Celle – ci n’était pas une fondation d’entreprise puisque le capital était détenu à 50% par les ressources financières de l’entreprise et par 50% par la Province de Pise, la Région Toscane et la Municipalité de Ponterdera, qui était la ville où était installé le quartier général de Piaggio. Cette fondation avait une vocation bien précise : il s’agissait de valoriser l’histoire et la notoriété de l’entreprise et du territoire à travers la création d’un musée exposant la gamme historique des véhicules fabriquées par l’entreprise (avions, trains, funiculaires, motocycles construits depuis les années 30 et les scooters surtout à partir des années 50 ) et de magnifiques expositions  valorisant du patrimoine culturel de la Toscane. Peu à peu la fondation tissa également des liens forts avec les écoles et les universités du territoire. En 1996, le projet « Toscane » fut lancé à l’initiative de Mario Monti, alors commissaire européen sur les grands défis de l’Europe. Cette manifestation rassembla près de 4000 enseignants et donna lieu à près de 22 conférences itinérantes à travers les villes moyennes du territoire.

2°) Puis Giovanni Alberto Agnelli engagea également une collaboration étroite avec les universités en créant plusieurs laboratoires de recherche sur les nanotechnologies, notamment avec l’Ecole Supérieure Universitaire de Sainte Anne de Pise. Les laboratoires de recherche étaient d’ailleurs situés sur les terrains de l’entreprise.

3°) Enfin, en 1997, la fondation mis en place d’importantes actions de revitalisation économique du territoire et de modernisation urbaine visant à embellir la ville de façon à ce qu’elle ne soit plus seulement une cité industrielle. Ces actions s’inscrivaient dans un projet intitulé « Pontedera », du nom même de la ville où était installé l’usine Piaggio. Il était géré en direct par l’équipe de direction de Giovanni Agnelli et par le très populaire Maire de Pontedera. Malheureusement, le premier est décédé en 1997 tandis que le second par bonheur est devenu le Président – Gouverneur de Toscane. Le projet « Pontedera » s’est arrêté après la mort de Giovanni Agnelli, non seulement à cause de la mort de son promoteur mais aussi parce que le secteur du motocycle a aussi des difficultés économiques.
 
Cette histoire illustre bien le fait que les utopies, même les plus pratiques et réalistes comme celles qui sont industrielles, ont besoin d’un climat d’optimisme pour se développer, comme l’a démontré Philippe Trouvé, lors de son intervention à l’Unesco, lors de la Journée Mondiale de la Philosophie (17 Novembre 2011). 

Pourquoi une si longue introduction concernant Giovanni Alberto Agnelli et son approche humaniste dans une intervention qui doit concerner l’utopie industrielle d’Adriano Olivetti  ? Pour une double raison :

D’abord parce que l’approche du jeune Agnelli a eu des répercussions fortes sur la grisaille du capitalisme italien. Il avait été désigné comme futur président de Fiat par son oncle Giovanni Agnelli, surnommé « l’advvocato », grand patron de Fiat de 1966. Sa désignation avait été communiquée à la presse le jour même du démarrage officiel de la Fondation Piaggio.

En deuxième lieu, parce que, peu avant la découverte de sa maladie, il avait posé la question suivante : « Une question me préoccupe : si Adriano Olivetti était encore vivant aujourd’hui, comment pourrait- il développer sa vision humaniste dans la réalité industrielle contemporaine qui est davantage en récession qu’en développement, où on est souvent confrontés à la nécessité de mettre en place des restructurations destructrices d’emplois. Que pourrait – il faire sans renoncer à sa vision ?

Il faut ajouter que Giovanni Alberto Agnelli avait eu plusieurs rencontres, à l’époque, avec Tiziano Terzani, un des intellectuels de la pépinière d’Olivetti, écrivain et journaliste. Adriano Olivetti avait développé ses théories et ses pratiques dans un contexte totalement différent au début de sa gestion, l’entreprise comptait 870 salariés pour passer en 1960 – 61 à 45000. 

La Vespa : Un phénomène de société


La conception holistique de l'entrepreunariat d'Adriano Olivetti

 Adriano Olivetti est l’homme qui a « inventé » l’électronique italienne, après avoir établi un empire avec la machine à écrire et la machine à calcul mécanique. Son entreprise était implantée dans 41 pays avec des usines de production et des filiales commerciales. Un tiers du marché mondial était « Olivetti ». Partout avec un enracinement territorial fort. C’était même la marque de fabrique de son modèle de développement stratégique.

Son apprentissage entrepreneurial fut long et presque exclusivement américain en visitant les entreprises utilisant les technologies les plus innovantes autant dans les ateliers que dans les bureaux. Son apprentissage en tant qu’utopiste, au contraire, était à la portée de la main, en famille, avec le patriarche Camillo Olivetti, porteur d’idéalités socialisantes, fondateur de l’entreprise qui a lancé la machine à écrire au commencement du XX° siècle, à Ivrea, a quelques dizaines de kilomètres de la ville de Turin et qui dans les années 50 devint une véritable ville totalement confondue avec l’entreprise Olivetti.
« En moi, il n’y que le futur » disait-il souvent pour se définir quand on l’interrogeait sur lui-même.
« J’ai foi dans la valeur de la spiritualité, de l’art, de la culture ; c’est-à-dire foi en l’homme et dans la flamme divine qui est cachée en lui et qui lui donne cette capacité à s’élever et à se renouveler ».
« Le bien être du travailleur n’est pas une abstraction : on peut le bâtir en premier en écoutant le travailleur lui-même, en favorisant sa formation, en soutenant ses projets de vie et ceux de sa famille. Mon espoir est que les valeurs soient contagieuses et qu’on puisse générer de bonnes pratiques fondées sur la responsabilité de l’individu, travailleur ou non, sur les idéalités et sur la confiance dans la possibilité de réaliser une entreprise utile socialement et culturellement stimulante ».
Natalia Ginzburg, une écrivaine italienne bien connue disait de lui :   « Il avait les yeux étonnés, résolus et curieux d’apprendre ce qui était neuf , ce qui était une nouveauté ».

C’est sur la base de ces convictions qu’Adriano Olivetti va agréger autour de l’entreprise un nombre d’intellectuels, quelques-uns bien connus et d’autres qui le deviendront par la suite. Parmi ceux – ci quelques-uns ont été embauchés comme simple ouvriers et sont ont de brillantes carrières dans la sociologie, la psychologie du travail et l’économie.

Cet entrepreneur qui avait dessiné les frontières d’une économie à visage humain avait un charme certain. Mais ces contemporains, notamment le milieu très conservateur des entrepreneurs italiens étaient encore très réservés à l’égard de sa conception qui consistait à concilier performance économique, organisation socialement innovante et expérimentation politique sur un territoire.
Sur le plan politique, il crée en effet, en 1948 un mouvement appelé «  Comunita » dont les études et recherches, publiées par les « Editions de la Comunita » ont marqué dans les années 1959 les disciplines de la sociologie, de l’architecture et de l’urbanisme.
Il fit également des expérimentations révolutionnaires dans l’organisation du travail industriel et la gestion des territoires en mettant en place notamment, en 1958, un nouveau plan régulateur du territoire de la Vallée d’Aoste.

L’école « Olivetti » dédiée au personnel de vente de l’entreprise a introduit en Italie les sciences du marketing et du design qui ont été à l’origine du succès des produits de la marque comme la fameuse machine à écrire « Lettera 22 » qui a été vendue à des millions d’exemplaires dans le monde.

Il y a deux mois, en Italie, est paru, sous la forme d’une bande dessinée, « un roman » dans lequel l’auteur imagine qu’une étudiante universitaire de l’an 2061 donne un coup de fil à la Direction d’Olivetti, située à Ivrea pour obtenir un rendez-vous avec Adriano Olivetti en vue de lui soumettre son mémoire professionnel « Essais d’une nouvelle renaissance italienne dans la deuxième partie du XXI siècle ». Dans cet ouvrage, l’auteur rend hommage aux intuitions industrielles et sociales de grand entrepreneur souvent contesté par son milieu qui le considérait comme un « rouge visionnaire ».

Mais la plus grande innovation d’Olivetti à l’époque, fut ce qu’on appellera plus tard le « PC », le « Personal Computer ». Cet ordinateur, inventé en 1964, par l'ingénieur italien Pier Giorgio Perotto , sera vendu à 44000 Exemplaires, principalement aux Etats Unis, sous la marque Programma 101. Plusieurs raisons expliquent que les volumes de vente n’ont pas pu atteindre la taille critique. La première est technologique. L’ordinateur est dépourvu de système d'exploitation ou d'interface graphique, ce qui ses limites ses fonctions à celles d’un calculateur programmable, la deuxième est le manque de formation du réseau de distribution et enfin, le manque de capitaux nécessaires au lancement d’une telle révolution dans les usages de l’époque. On dit aussi que le gouvernement italien avait fortement soutenu l’aventure pionnière de Fiat en Union Soviétique en installant une usine à « Togliatti » pour fabriquer 1 million de voitures par an et n’avait plus les moyens de contribuer à une deuxième aventure industrielle, signée Olivetti. Une alternative aurait consisté à faire une alliance avec le groupe français Thompson, mais le projet ne put être mené à son terme.

On peut aussi expliquer cette absence de soutien du fait de la réputation sulfureuse d’Olivetti, considéré comme entrepreneur rouge par l’establishment italien, à cause de sa vision socialisante des moyens de production. Mais cette perception était discutable car Adriano Olivetti n’était ni communiste, ni démocrate – chrétien, ni libéral. En réalité, il s’inspirait de tous ces courants pour en fonder une vision humaniste de l’entreprise.  

"En moi, il n'y a que le futur ! "


Une utopie appelée Olivetti

Olivetti avait une conviction : que l’entreprise que la vocation d’une entreprise ne peut se limiter à la seule recherche du profit et qu’elle doit nécessairement réinvestir, aussi, le profit, quand il existe, dans le bien de la communauté. Son rêve était de concilier intérêts économique, sociaux et sociétaux ; son rêve aussi était d’établir des relations différentes entre dirigeants et ouvriers, entre l’usine et le territoire. C’est ce principe qui a inspirée tous ses choix d’entrepreneurs.
Des lignes de montage, on passe à des groupes autonomes dans lesquelles un groupe d’ouvriers spécialisés est en mesure de fabriquer un produit dans sa totalité, tout en  contrôlant sa production de façon responsable. L’entreprise met à la disposition pour cela des structures d’appui pour rendre la vie personnelle des ouvriers plus sereine : Bibliothèques, cantines, centres médiaux, crèche.

Adriano est persuadé que l’accroissement de la productivité est étroitement lié au bien-être du personnel et sa participation à la vie de l’entreprise. C’est la clé de la motivation et de l’engagement. Le modèle Olivetti, considéré comme contraire à toute logique économique va s’avérer très vite très performant et conduira l’entreprise au succès. En une décennie, la productivité du travail va croître de 500% et les ventes de 1300%. Les machines « Olivetti » vont connaître rapidement une renommée considérable au niveau international. La machine à écrire « Lettre 22 », dessinée par Marcello Nizzoli fut reconnue, en 1950, par un jury international, comme « le premier des cents meilleurs produits des cents dernières années ». Elle plaçait le design et l’esthétique comme un des aspects fondamentaux d’un produit industriel.

En 1948, un conseil de gestion est constitué à Ivrea. Il est composé de salariés élus par l’ensemble du personnel et possédait le contrôle organisationnel et économique de tous les services sociaux (crèche, cantine, infirmerie, colonies, transports, psychologues, etc.). Il intervenait formellement dans la vérification des bilans annuels de l’entreprise. Expérience unique en Italie, il perdura jusqu’en 1971.

Le conseil de gestion intervenait également dans la conception des nouveaux bâtiments réalisés par les plus grands architectes italiens du moment. Une des particularités était l’utilisation du verre pour que les travailleurs, souvent arrachés à leur monde rural, puissent continuer à se sentir en contact avec la nature et à « se sentir entourés et enveloppés de lumière ». Les employés d’Olivetti jouissaient de bénéfices exceptionnels pour l’époque : les salaires étaient plus élevés de 20%, ils étaient égaux pour les femmes comme pour les hommes. Les femmes avaient droit en plus à 9 mois de congés maternité payés et l’horaire de travail était passé de 48h à 45 h par semaine.

Adriano Olivetti ne se plaça jamais dans la confrontation du capital et du travail. Sa préoccupation était de faire cohabiter les deux pour faire progresser la société. Un travailler doit être productif pour que l’entreprise soit compétitive mais la contrepartie c’est la participation, l’implication et le progrès social.  La traditionnelle tension syndicale était de ce fait même assouplie. Il n’y eu d’ailleurs pas d’épisodes ni de heurts avec les syndicats comme il se produisait dans d’autres entreprises italiennes (comme Fiat). Le modèle Olivetti représente donc une forme de développement industriel soutenable avant la lettre.

Le 27 février 1960, Adriano Olivetti meurt, tout à coup, pendant qu’il voyage dans un train de Milan à Lausanne.

Que reste-t -il aujourd’hui de l’expérience Olivetti ? Certainement le souvenir d’un homme qui a proposé et mis en acte un rapport différent entre l’entreprise et son territoire, entre le travail et la participation, entre la culture et l’entreprise. C’est un homme qui a osé et expérimenté, mais si on se souvient d’Adriano Olivetti pour son aspiration au progrès social, il ne faut pas oublier que l’aventure de l’entreprise d’Ivrea, représente un des rares cas dans lesquels l’Italie a été, dans le secteur de l’électronique, à l’avant-garde de la technologie.
https://contextes.revues.org/5545#ftn31

L'aventure industrielle du premier "Personal Computer" à l'échelle mondiale

En 1955, Olivetti s’associe à un projet de l’université de Pise pour la création d’un ordinateur scientifique. Adriano comprend très vite la grande potentialité des ordinateurs électroniques et tout l’intérêt qu’il y a à entrer sur ce marché, à peine en émergence. Il se lance alors à la recherche d’un chef de projet compétent dans ce domaine. On lui suggère le nom de Mario Tchou. Fils de diplomates chinois, professeur à la Clumbia Univesity de New York, Tchou est un des rares spécialistes dans les calculateurs électroniques. Tchou accepte la proposition et constitue à Pise un premier groupe de recherche. Le principal objectif de ce groupe sera d’étudier les applications possibles des ordinateurs dans les industries et le commerce. Le premier laboratoire de recherche en électronique s’installe alors à Barbaricina près de Pise. Dans une première interview dans le journal « Pays Soir », Tchou affirme : « Les choses nouvelles se font avec les jeunes. Seulement les jeunes peuvent se donner avec enthousiasme car ils ne sont pas encombrés par les mentalités traditionnelles ». Tchou avec son équipe réalise dans le printemps 195è ce qu’il appelle « La Machine Zéro » en introduisant des transistors pour remplacer la mémoire à ruban magnétique. Le résultat final est « l’Elea », le premier ordinateur complètement transistorisé sera alors lancé sur le marché mondial. (Elea fait référence à une ancienne ville grecques siège d’écoles de philosophie, sciences et mathématiques).

L’Olivetti Elea 9003 n’est pas seulement le premier calculateur électronique italien mais c’est un des premiers au monde à intégrer des transistors. Elea 9003 présente des fonctions d’avant-garde encore jamais offerts à ce jour : Les multiprogrammations qui permettent de gérer jusqu’à 3 processus en parallèle, la suspension temporaire d’un process en cours et la capacité à gérer simultanément plusieurs périphériques. Et tandis qu’Adriano Olivetti avait coutume de dire que « le design est l’âme du produit », les aspects esthétiques sont confiés à un jeune architecte, Ettore Sottsass, qui réussit à conjuguer l’élégance avec l’efficacité des fonctionnalités. En 1958, l’importance du projet pousse la direction à transférer la recherche à Milan ; les cinquante personnes de Barbaricina devinrent mille. Mais même si ces ordinateurs avaient un grand intérêt, il s’agissait de machines très couteuses, de grandes dimensions, demandant un personnel très spécialisé, s’adressant donc à un nombre très limité d’usagers. Pour donner une idée, le coût d’un Elea était de 800 000 dollars de l’époque. Le premier système fut installé chez Marzotto de Valdagno (Tissus et habillement) en aout 1960. A partir de cet instant d’autres entreprises italiennes plus importantes adoptèrent l’Elea, comme la banque Monte dei Paschi de Sienne, Fiat et le conglomérat sidérurgique Cogne. En 1965, c’est le lancement du modèle Programme 101 qui est considéré comme le premier véritable « personal computer » de l’histoire mondiale.
Quand un journaliste a interrogé la fille d’Adriano, Laura Olivetti si elle se rappelait que son père avait été une personne heureuse, elle répondit que non. Elle ajouta qu’il avait en effet connu des moments de grands enthousiasmes mais qu’il « était toujours et toujours à la recherche de quelque chose de plus de quelque chose qui n’existait pas » …

L’humanisme d’entreprise est-il compatible avec la mondialisation ?

La globalisation des économies multiplie les parties prenantes : non seulement, les actionnaires, les dirigeants, les salariés, les clients et les fournisseurs mais aussi les territoires, régions et pays.
Définir le bien commun général d’une entreprise demande de faire une synthèse des exigences de tous les acteurs en question
Il y a de grandes différences entre les entreprises :
  • Les entreprises qui agissent en privilégiant presque exclusivement la rationalité gestionnaire telle qu’elle est encore enseignée dans les Business School dans le but d’augmenter le taux de profit,
  • Les entreprises institutionnelles ou administratives dont le fonctionnement repose  sur des règles définies par les états, en fonction des pouvoirs politiques en place,
  • Les entreprises communautaires qui définissent les stratégies en tenant compte des exigences des différentes parties prenantes dans le but d’augmenter la survie de l’entreprise sur le long terme. Cette conception demande des mises à jour fréquentes de ce qu’est le bien commun des différentes parties prenantes.
Pour mettre en œuvre ce modèle communautaires, on peut distinguer 2 voies :
  • La voie « Olivetti » où c’est le leader ou un groupe restreint de top managers qui dialoguent avec les parties prenantes et réalisent eux-mêmes la synthèse
  • La voie de comités de consultation formellement constitués qui recueillera les besoins de chaque partie prenante pour en faire une synthèse. C’est une voie plus longue, compliquée et qui présente un risque de burocratisation.
 

En guise de conclusion

L’entreprise Olivetti est un cas emblématique de la cette préoccupation humaniste en entreprise. Elle est indissociable de son époque et de son contexte.

L’utopie selon Thomas Moore est le « non-lieu » où les règles du monde sont suspendues à différents niveaux. Elle est une forme de contestation des normes en vigueur et peut conduire les Hommes et les organisations vers des transformations radicales.
Chaque utopie se contextualise dans époque, mobilise l’imagination et a son cycle de vie qui part d’un projet de société.
La mobilisation d’une communauté qui veut pratiquer l’utopie est toujours expérimentale. 

Bibliographie - sitographie et filmographie


Présentation de l'auteur Corrado Paraconne

 Après des études de droit et de sciences politiques à l'université de Turin , il a a été pendant  pendant presque 30 ans de1976 à 2004, un collaborateur direct D'Umberto Agnelli, puis directeur de grandes fondations :  Fondation Agnelli, Fondation Piaggio et de la Fondation de la Compagnie de la Banque de San Paolo. Il est aujourd'hui consultant en projets internationaux pour la commission européenne de Bruxelles. Il intervient également dans diverses universités et grandes écoles italiennes et françaises. 

Pour le contacter 

 

Bonus : Un témoignage de Francesco Novara, Médecin du Travail chez Olivetti



Corrado Paraconne
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